Les Jurassiens maîtres de leurs routes... et du ciel!

La morale du 45e Critérium Jurassien, manche d’ouverture du Championnat de Suisse des Rallyes 2024, est finalement assez simple: «Avant d’espérer entrevoir le paradis – la victoire –, il faut avoir connu l’enfer.» En la circonstance, c’est plutôt «Les Enfers», petite commune des Franches-Montagnes qui surplombe les méandres du Doubs, là en-bas, tout au fond de la vallée. Les Enfers, où était jugée l’arrivée de la première spéciale du Critérium. Beaucoup plus qu’une mise en bouche, plutôt un copieux plat principal de plus de 29 kilomètres, rendu indigeste par les conditions hivernales: froid, neige, pluie tempétueuse.

C’est vendredi soir et le Prévôtois Sacha Althaus, associé à Lisiane Zbinden au volant de leur Skoda Fabia Rally2 evo, vont mettre tout le monde d’accord dès ce premier affrontement chronométré: favori de beaucoup, Michael Burri accuse un retard de 12’’3, Mike Coppens est à près de 30’’. «Au fil des kilomètres, cela devenait de plus en plus compliqué. À chaque village traversé, c’était toujours plus difficile, j’ai pris du plaisir, mais dans les trois dernières épingles, j’avais l’impression de rouler sur de la glace vive, j’étais à l’arrêt. Dans ces conditions, je ne m’attendais pas à prendre autant d’avance»: au micro de la radio régionale «Fréquence Jura», Sacha Althaus semble partagé. Au fond de lui, il sait qu’il vient de frapper un grand coup, mais il est hors de question de se laisser aller à la moindre euphorie: «Attention, il y aura énormément de pièges lors de la seconde journée du rallye. On connaît le Critérium Jurassien, on sait donc que même avec 30 secondes d’avance, ce n’est jamais fini.»

L’hommage de Burri

Survient rapidement la Hyundai i20 N Rally2 de Michaël Burri/Gaëtan Aubry: «Des conditions dantesques! Au milieu de la spéciale, c’était une véritable tempête, on avait de la peine à évacuer l’eau, il y avait énormément d’aquaplaning. Sur le plateau, j’ai quelque peu perdu confiance, mais on est là, on n’a pas commis de grosse bêtise et on ne va rien lâcher. Cela dit, Sacha a signé un chrono incroyable, il a roulé comme un seigneur.» Un seigneur qui s’impose aux Enfers, en quelque sorte. Et qui a déjà «tué» tout suspense en ce qui concerne la victoire finale?

La réponse tombera en début d’après-midi, samedi. Althaus vient encore de signer les «scratches» dans les trois premières spéciales de cette seconde journée et là, au deuxième passage de Villars – Réclère (28,49 km), il met 15 secondes d’un coup à Burri et se retrouve avec un petit oreiller de 40 secondes d’avance sur son premier dauphin (Coppens est à plus d’une minute). Dès lors, c’est un nouveau rallye qui commence, où il est question de concentration maximale pour le clan Althaus, de travail de développement et de mise au point du côté de Burri et… de plaisir absolu pour Mike Coppens, qui ne va d’ailleurs pas se gêner.

Ces drôles de coins…

Car les conditions sont toujours très compliquées, imprévisibles aussi puisque s’il neige au PC de Saignelégier, on découvre même quelques coins de ciel bleu à une quinzaine de kilomètres à vol d’oiseau. Coppens s’offre, au second passage de la spéciale Les Rangiers – Bassecourt, le premier de ses trois scratches de cette ultime phase du rallye. Burri est le plus rapide entre Saucy et St-Brais, ce qui ne remet pas en question la domination de Sacha Althaus. Qui reste d’un calme olympien et qui fait preuve d’une certaine prudence, mais toujours à un niveau très élevé. Les trois équipages favoris «sur le papier» sont aussi les meilleurs sur ces routes que le Valaisan Thibault Maret, finalement très bon cinquième, décrira avec ces quelques jolis mots: «Vous avez vraiment des drôles de coins dans votre Jura!»

Ces drôles d’endroits, c’est une nouvelle montée vers Les Enfers. «Une spéciale magique, avec tous ces spectateurs courageux et ces épingles faites pour tourner au frein à mains»: Sacha Althaus est enthousiaste comme jamais, mais il sait aussi comme jamais qu’il y a encore une spéciale au programme, après une pause de presque 90 minutes. Il faut donc se reconcentrer, attaquer une dernière fois Saulcy – St-Brais. Mais la délivrance est proche: «Ce fut horrible!», lance le vainqueur en riant. «Au début, c’était bien, puis tout est parti en cacahouètes, le stress et la peur de faire une c… dans les ultimes kilomètres.»

La victoire est là, belle première pour un garçon en pleine progression. Deuxième, Michaël Burri a compris pas mal de choses de sa Hyundai: «Deuxième, c’est bien pour le championnat.» Mike Coppens, lui, est partagé entre une mise en route un peu trop sage et le plaisir absolu éprouvé samedi après-midi: «Ici, dans le Jura, c’est toujours la même chose: tu as la boule au ventre au départ et lorsque cela se termine, tu aimerais que ça recommence immédiatement.»