Lotus Eletre S – Far, far away!

Test Team RA | 06.06.2024

Différent Wuhan au lieu de Hethel, l’acier plutôt que le plastique, l’électricité à la place de l’essence, des agences luxueuses et plus de petits ateliers mal équipés: c’est Lotus réinventé!

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Un style attrayant: l’Eletre, la Lotus Type 132, est l’œuvre du designer maison Ben Payne.

C’était il y a pas mal de temps déjà, notre première visite à Hethtel (GB). Un groupe de journalistes se tenait autour de trois Lotus Exige Cup 380; un homme en costume nous avait rejoint, nous avons ouvert et fermé les portes, les capots, nous nous sommes assis dans le véhicule: une scène digne d’un samedi matin devant l’atelier de bricolage d’un bon copain. Un peu plus tard, lors d’une présentation «Power Point», l’homme en costume cravate à l’accent allemand matiné d’une touche française s’est révélé être le PDG de Lotus à cette époque, Jean-Marc Gales, un Luxembourgeois. Lors de la deuxième visite – cette fois pour l’Exige 410 – le même homme nous accueillait en riant: «Tiens, tu es encore là?» Le même jour, nous avions arpenté le terrain communal de Wymondham, juste à côté de Hethel, en compagnie de «Flo», qui était alors le PR de Lotus. Alastair, le vrai nom de «Flo», avait étudié la géologie et rétrospectivement, ces souvenirs ressemblent à de vieilles illustrations du livre pour enfants «The Wind in the Willows» (en français: «Le vent dans les saules») de l’écrivain écossais Kenneth Grahame, publié en 1908. Cette histoire tournait autour d’une taupe, d’un blaireau et d’un rat qui volaient régulièrement au secours de leur ami crapaud lorsqu’il se retrouvait en difficultés à cause de son obsession pour les voitures – eh oui, un livre de 1908!

Lors de la célébration du 70e anniversaire de la marque, en 2018, des drapeaux chinois flottaient devant l’usine Lotus. Le vendredi matin, on avait montré l’avenir aux concessionnaires, notamment la Lotus Type 132; nous en avions profité pour passer voir Clive Chapman, qui venait d’offrir à son «Classic Team Lotus» un nouveau bâtiment généreux: «It’s all paid with my own money», tout avait été payé avec l’argent que Clive avait gagné, avait-il rappelé. Le lendemain, il avait inauguré sa nouvelle usine en famille et avec ses collaborateurs. Chapman et Chris Dinnage, le chef d’équipe, avaient prononcé un discours debout sur un escalier, tous deux visiblement émus. «Us lot»: nous, notre groupe, la bande; selon une légende jamais confirmée, c’est de là que serait né le nom Lotus. Hazel, la veuve de Colin Chapman, savait soi-disant quelle était la véritable origine, mais elle est restée systématiquement silencieuse sur la question. Elle était d’ailleurs encore présente lors des célébrations, son fils Clive l’aidant à diriger son déambulateur électrique à travers la foule. Peut-être a-t-elle encore approuvé la forme de l’Eletre, assise sur son petit banc devant Ketteringham Hall. Elle, la véritable fondatrice de Lotus, puisque ce sont ses propres 25 livres sterling qui avaient été nécessaires à l’enregistrement de la société le 1er janvier 1952! Hazel Chapman est décédée le 13 décembre 2021 à l’âge de 94 ans.

«Shocking...»

Lors de la première rencontre avec l’Eletre, il faut mettre de côté tout ce que l’on sait sur Lotus. Cette voiture est grande, massive, lourde, parfaitement finie, elle plaît sous tous les angles. Elle possède un intérieur certes très stylé, mais tout à fait fonctionnel; elle est, si l’on ose le dire, plus «voiture» qu’une Lotus ne l’a jamais été. Si les puristes se détournent avec horreur de l’Emira, qui a hérité de nombreux gènes de l’Elise et de l’Exige, les esprits éveillés, les explorateurs et les personnes capables de se remettre en question, celles et ceux pour qui le passé est moins important que l’ici et le maintenant, devraient trouver leur compte avec l’Eletre. La voiture semble construite et, surtout, conçue de manière routinière. Les avantages des plateformes sur lesquelles les ingénieurs de Lotus et de Geely ont pu construire leur «enfant» se font sentir. Tout est à sa place, les commandes sont cohérentes, les matériaux semblent de grande qualité et robustes. L’espace est généreux, même le coffre est assez spacieux, car les sièges peuvent être rabattus. Cela a-t-il déjà existé dans une Lotus? Voiture qui se veut adaptée à tous les usages, l’Eletre occupe déjà une place de choix dans l’histoire de la marque. C’est tellement différent de ce que l’on se rappelle, de ces créations légères des années précédentes. Reste maintenant à savoir ce qu’il en est du comportement routier, car on nous a beaucoup promis...

La carrosserie en tôle d’acier remplace la monocoque en aluminium. En termes de finition, d’utilisation et d’espace, ce SUV pose de nouveaux jalons. C’est la première quatre portes à porter le badge Lotus après l’Omega-Lotus (Vauxhall Carlton).

Tout d’abord, l’Eletre est – c’est un BEV –, un vrai poids lourd. Mais il est aidé par une suspension pneumatique qui dissimule très bien la surcharge. Colin Chapman aurait aimé cela, puisque la suspension active en F1 est l’une des nombreuses idées auxquelles il avait contribué. Le «drame» avec ce comportement, c’est qu’il renverse presque une vision du monde: bon sang, cela ne peut pas être ainsi, «light is right» (la légèreté a raison) a toujours été la devise de Lotus! Or, l’Eletre est donc un poids lourd, mais grâce à l’ingénierie Lotus, c’est un poids lourd qui sait prendre des virages. Et quelle accélération! Avec cette puissance, il ne faut pas craindre la moindre pénurie à cet égard. L’Eletre fonce avec une véhémence qui donne le tournis. Alors bien sûr, elle n’est pas la plus économe de toutes les voitures électriques. L’autonomie fond comme neige au soleil si l’on met les bouchées doubles à la Sino-Britannique – l’Eletre provient d’une nouvelle usine de Wuhan, en Chine. On ne peut en vouloir à personne, mais cette voiture électrique nous invite à oser. Et pour la partie ennuyeuse, il existe des systèmes d’assistance ultramodernes pour faciliter votre tâche à l’entrée et à la sortie des virages; le lidar sort même électriquement de la carrosserie, ce qui est également un peu violent pour les fans de Lotus. Au final, on a l’impression d’une voiture construite de manière très maîtrisée, avec un potentiel de performance très élevé et qui a de l’allure: ce n’est pas une Lotus, mais ce n’est de loin pas une mauvaise voiture.

Verdict

La Lotus Eletre S est une excellente voiture de tourisme dynamique avec beaucoup de réserve de puissance. Problème: cette voiture électrique n’est pas la plus économe, l’autonomie est plutôt décevante, malgré une batterie massive. Le SUV est en nette rupture avec presque tout ce qui fait l’identité de la marque, à l’exception peut-être du châssis. Une Lotus à laquelle il faut s’habituer, mais grandiose en tant que SUV électrique!

Résultats 82/100

Moteur-boîte 28/30

L’Eletre combine de manière impressionnante une puissance sans fin, une traction parfaite et – logique – un fonctionnement silencieux.

Trains roulants 13/15

Certains éléments de cette Lotus n’ont probablement pas été développés à Hethel. Mais le châssis porte la signature des ingénieurs britanniques, considérés à juste titre comme les meilleurs dans ce domaine.

Habitacle 20/25

Plus extravagant qu’une Polestar ou même qu’une Volvo. L’appartenance à la famille Geely se traduit par une bonne finition.

Sécurité 12/15

Avec un nombre d’assistants encore jamais vu dans une Lotus et une construction digne d’un coffre-fort plutôt que, comme autrefois, d’une boîte à chaussures, l’Eletre est au-dessus de bien des doutes.

Budget 9/15

Vraiment très cher. Hyundai vient de nous offrir avec la Ioniq 5 N des performances de conduite similaires pour la moitié du prix. Chez les concessionnaires Lotus, il reste encore deux ou trois voitures en stock. Des rabais sont tout à fait possibles pour une voiture qui promet l’exclusivité.

Photos: Vesa Eskola, Texte: Martin Sigrist

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