Le Synfuel est prêt à l’emploi dans bien des secteurs

Martin Sigrist | 28.03.2024

Étude Pour les voitures anciennes, cela sonne comme une
libération: le carburant synthétique est compatible avec leurs moteurs. Explications...

Synhelion solar tower mirrors dlr

Synhelion, filiale d’Amag, prévoit de produire du carburant synthétique en concentrant la lumière du soleil.

Le Synfuel fonctionne, comme le prouve un essai sur le terrain réalisé par le Laboratoire fédéral d’essai des matériaux et de recherche (Empa), en collaboration avec Amag Classic. L’utilisation de ce carburant synthétique et neutre en CO2 ne suscite aucune réserve, en particulier pour les véhicules classiques. Les partenaires s’étaient fixés une période de tests d’un an et demi et les résultats ont été présentés le 7 mars dans le showroom d’Amag, au milieu de véhicules historiques. Pour Christian Bach, le directeur d’étude de l’Empa, la motivation de la collaboration avec Amag était facile à justifier. Même si l’avenir est au tout électrique à partir de 2035, il faut s’attendre à ce que les véhicules à combustion représentent encore une part significative en 2040. Environ deux millions d’entre eux circuleront sur nos routes à cette date.

Leur remplacement n’est ni possible ni raisonnable, car ces véhicules sont toujours en parfait état de marche et répondent encore à toutes les exigences qui leur sont imposées. Dans le cadre de la recherche d’une solution neutre en carbone pour le transport aérien, il n’y a pas d’autre solution que d’utiliser du carburant synthétique. Comme l’a expliqué Christian Bach, en plus de remplacer environ 75 % du kérosène, ce Synfuel produit à peu près les mêmes quantités des différents types de carburant que le raffinage de l’huile minérale: environ 15 % de Diesel, 10 % d’essence et un petit reste sous forme de gaz. Ainsi, même si l’on n’accorde pas une attention particulière à l’utilisation du carburant de synthèse dans les moteurs à combustion traditionnels, son utilisation dans l’aviation, comme sous-produit, est déjà possible.

Neutre pour le climat

Cela permet déjà de répondre à la question de savoir s’il est judicieux ou non de transformer l’électricité durable en une forme d’énergie pouvant être stockée et transportée sur de longues distances, plutôt que de l’utiliser directement sous forme de batterie: si l’on vole à l’avenir avec du carburant synthétique, une certaine quantité de ce carburant sera également disponible pour les véhicules. Au lieu de libérer du CO2 stocké dans le sol, comme c’est le cas lors de la combustion de combustibles fossiles, la synthèse de carburant en boucle utilise principalement le CO2 atmosphérique ou le CO2 lié à la biomasse. Les autres bases sont l’hydrogène (H2) et l’oxygène (O2). Si l’on utilise uniquement de l’eau et du dioxyde de carbone, le processus est neutre pour le climat.

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Pour le directeur de l’étude de l’Empa Christian Bach, l’utilisation de carburants synthétiques dans les voitures classiques est possible sans restriction et sans problème. Les résultats ont été présentés le 7 mars dernier.


En revanche, la base du Synfuel utilisé dans les essais était constituée de lignine, c’est-à-dire de cellulose. Celle-ci provient de ce que l’agriculture laisse comme résidus. Le chemin de cette synthèse via le méthanol, l’éther diéthylique et les alcènes conduit à une réduction de 70 % de CO2 par rapport au carburant fossile. La raison pour laquelle ce carburant a été utilisé est tout simplement qu’il est disponible. Cette essence générée par P1 Fuels est d’ailleurs la base du carburant actuellement disponible pour tout ce qui relève du sport automobile. Vous le savez certainement: Amag travaille également sur un projet de production de carburants synthétiques, la société Synhelion prévoyant d’utiliser directement l’énergie solaire à cet effet. Le démarrage d’une première installation est prévu pour le milieu de l’année, mais la capacité de 5000 litres imaginée reste modeste pour le moment. Dino Graf, codirecteur du projet et responsable des relations publiques du groupe Amag, a fait savoir lors de la conférence qu’il fallait s’attendre à des quantités plus importantes à partir de 2027. De plus, que le carburant soit généré à partir de la biomasse ou de l’eau et du CO2 atmosphérique, son utilisation ne devrait entraîner aucune restriction ou modification dans un moteur à combustion traditionnel.

Mesures très précises

Cette étude voulait démontrer qu’une flotte existante pouvait fonctionner avec des émissions de CO2 réduites, voire neutres, dès le premier plein.Pour les voitures, pas de problème. Et, plus important encore, les deux classiques qui ont fait le plein de Synfuel ont très bien fonctionné. Bien sûr, la compatibilité avec les matériaux d’étanchéité, les pièces métalliques comme les carburateurs ou les pompes à essence, mais aussi avec les roulements et les pièces du moteur a été testée. Le nombre de particules d’abrasion dans l’huile moteur a été mesuré avec précision.

Les chercheurs de l’Empa ont également testé la résistance des boîtiers moulés sous pression ou des aiguilles d’injecteur dans les carburateurs classiques à l’aide d’essais d’immersion. Ils ont pris pour cobayes une VW Golf 1 avec un bloc moteur en fonte et une culasse en aluminium ainsi qu’une Plymouth Valiant avec un six-cylindres Slant-Six en fonte grise, de la culasse au bloc moteur. Une teneur en plomb plus élevée dans l’huile moteur aurait permis aux scientifiques de conclure à une possible usure accrue des roulements. Le risque supposé que le Synfuel puisse dissoudre d’anciens dépôts aurait également pu indiquer une concentration plus élevée de plomb. Enfin, un changement dans le nombre de particules de fer aurait pu montrer un changement général de l’usure. Tous les essais ont été précédés d’une mesure de la puissance et d’un test de compression.

Bactéries problématiques

Il est également important de noter que le carburant utilisé pour l’étude a été approuvé par les principaux constructeurs pour être utilisé dans leurs véhicules à combustion actuels. En utilisant la méthode C14, la mesure d’un isotope du carbone qui est également utilisée pour déterminer l’âge en archéologie, les chercheurs de l’Empa ont également démontré que le carburant biosynthétique contenait 87 % de carbone clairement non fossile.

L’indice d’octane est de 98 et la proportion de MTBE, un antidétonant utilisé dans le processus de raffinage, est légèrement supérieure à celle de l’essence pour pompe. Mais la substance peut être dégradée par les bactéries d’une station d’épuration après une période d’acclimatation, comme l’a expliqué Christian Bach, responsable de l’étude. Le carburant synthétique, compte tenu de ses propriétés, peut être mélangé sans problème à l’essence normale, sans modification des véhicules existants, ni de l’infrastructure des réservoirs, avec un point d’ébullition presque identique à celui de l’essence et un pouvoir calorifique presque aussi élevé.

Il est possible donc que le Synfuel remplace progressivement le carburant fossile en fonction de l’augmentation constante des capacités, sans aucune mesure d’accompagnement. Pour les véhicules modernes répondant à la norme Euro 5, il est possible d’atteindre des valeurs de gaz d’échappement correspondant à Euro 6, a ajouté Christian Bach. Aramco, le groupe à l’origine de la production pétrolière saoudienne, veut être prêt pour la production de Synfuel d’ici 2030, avec un objectif de prix d’environ deux dollars par litre. Cela dépendra toutefois en grande partie de la politique menée. Les résultats de l’étude Amag-Empa renforcent toutefois l’opinion selon laquelle l’ouverture technologique doit absolument être préservée dans le domaine de la mobilité et que des solutions à voie unique ne tiendraient guère compte de la complexité de la question. 

avenergy.ch, amag-classic.ch, empa.ch

Deux voitures classiques d’Amag, une Plymouth Valiant 1971 et une VW Golf 1 de 1978, ont servi de véhicules d’essai. L’Empa a dirigé l’étude, qui a été suivie par Amag et le fabricant de lubrifiants Motorex, de Langenthal. Outre les essais sur le terrain, des mesures et des tests ont été effectués en laboratoire et sur des composants individuels.

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Il y a actuellement peu de carburants synthétiques disponibles sur le marché. Porsche utilise le sien pour ses propres besoins.

L’avis d’Avenergy

Pour que des quantités plus importantes et moins chères de carburant synthétique soient disponibles pour les voitures à l’avenir, d’énormes investissements sont encore nécessaires. En contrepartie, la technologie des moteurs et la logistique énergétique d’aujourd’hui peuvent continuer à être utilisées. L’avantage des Synfuels, c’est qu’il est possible d’en mélanger des proportions quelconques avec les carburants conventionnels. Le financement pour leur entrée sur le marché est donc imaginable.

Avenergy Suisse est l’association professionnelle des importateurs, fabricants et distributeurs de carburants liquides en Suisse.

Photos: Amag, Synhelion, Porsche, Martin Sigrist

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