Bosch – Un ordinateur sur quatre roues

Olivier Derard | 18.01.2024

Maître à bord Bosch a mis au point un ordinateur capable de centraliser les différents systèmes d’une automobile. Un pas de plus vers le «Software Defined Vehicle». Explications.

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La plateforme d’intégration Cockpit & ADAS se charge non seulement de faire fonctionner le système d’infodivertissement, mais aussi celui des aides à la conduite.

Selon de récentes statistiques, les accidents de la route font 1,35 million de morts et 50 millions de blessés chaque année dans le monde. En Europe, ce sont plus de 25 000 morts qui sont dénombrés annuellement sur les routes. Et en Suisse, on comptabilise 241 personnes ayant perdu la vie en 2022. L’un des objectifs des institutions européennes, c’est que ces chiffres tendent vers 0 à l’horizon 2050. Pour parvenir à ce résultat, Bruxelles ne cesse de mettre la pression sur les constructeurs automobiles, les obligeant à développer des systèmes ADAS («Advanced Driver Assistance Systems», autrement dit les aides à la conduite) toujours plus élaborés, et ce afin de développer la conduite autonome, d’abord de niveau 2 et 3 (qui existent déjà aujourd’hui) et puis de niveaux 4 et 5 dans les prochaines décennies à venir.

Si cet objectif paraît atteignable pour les véhicule haut de gamme, pour lesquels il est possible d’allouer un certain budget aux systèmes d’assistance onéreux (tels des capteurs LiDAR par exemple) inhérents au développement de la conduite autonome, qu’en est-il des petites autos, pour lesquelles les dépenses dédiées aux aides à la conduite et aux ordinateurs de bord ne peuvent être aussi élevées? Eh bien pour ces véhicules aussi, il existe des solutions, comme l’a récemment prouvé l’équipementier allemand Bosch.

Tout en un

Lors du dernier Consumer Electronics Show (CES), le salon de la tech mondiale qui s’est tenu du 9 au 12 janvier à Las Vegas, le premier fournisseur automobile de la planète a présenté un nouvel ordinateur central capable de superviser les diverses fonctions d’un véhicule. Ainsi donc, là où, jusqu’à présent, la plupart des véhicules utilisaient différents calculateurs (chacun d’entre eux étant dédiés à l’une ou l’autre fonction), c’est désormais un seul et même super ordinateur qui se charge de centraliser et de traiter toutes les données. Une petite révolution dans le monde automobile: «Nous voulons réduire la complexité des systèmes électroniques des voitures tout en les rendant aussi sûrs que possible. Avec cette démonstration de notre nouvelle plateforme informatique dédiée aux véhicules, nous faisons un pas important dans cette direction», a déclaré Markus Heyn, membre du conseil d’administration de Robert Bosch GmbH et président de Bosch Mobility. Au cœur de ce nouvel ordinateur de bord, entre autres développé dans le centre R&D de Bosch en Hongrie (lire encadré), se trouve un seul SoC (Security Operation Center). Désigné «plateforme d’intégration Cockpit & ADAS», ce dispositif informatique se charge non seulement de faire fonctionner le système d’infodivertissement mais aussi celui des aides à la conduite.

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La technologie développée par l’équipementier allemand Bosch pourra être reprise par tous les constructeurs automobiles désireux de réduire leurs coûts de production et de simplifier l’architecture de leurs produits.

Cela inclut donc le stationnement automatisé et le système de détection de la voie de circulation, mais aussi le dispositif de navigation et l’assistant vocal. Et Bosch de prévenir qu’il ne s’arrêterait pas là puisque «notre objectif à moyen terme est d’introduire encore plus de fonctions de conduite automatisée sur les routes», a continué Markus Heyn.

La plateforme d’intégration Cockpit & ADAS mise au point par Bosch apporte un grand nombre d’avantages, à commencer par celui du tarif; la diminution du nombre de calculateurs ainsi que le gain d’espace et de câblage qu’autorise une telle unité permet un gain non négligeable en matière de coûts. Voilà pourquoi Bosch envisage des applications dans les segments automobiles inférieurs, celui des voitures compactes et moyennes, comme l’enseigne le précise dans un communiqué.

Second avantage de cette nouvelle unité centrale: elle fonctionne de manière modulaire, c’est-à-dire que les constructeurs peuvent sélectionner, selon leurs besoins, les options qu’ils souhaitent voir apparaître sur leurs véhicules. Bosch cite par exemple la commande de la climatisation, la connectivité ou des applications basées sur des caméras telles que la surveillance du conducteur et de l’habitacle, le Surround-View ou l’enregistreur Dashcam. La liberté de choix est grande, promet Bosch.

Mises à jour continues

Les ordinateurs centraux, telle que la «plateforme d’intégration Cockpit & ADAS» développée par Bosch, représentent le futur de l’automobile puisqu’ils sont au cœur des «Software Defined Vehicle (SDV)». Des quoi? Les «véhicules conçus autour du logiciel» (en français) sont des voitures capables de gérer l’ensemble de leurs opérations principalement ou entièrement par le biais d’un seul ordinateur (nous vous en parlions déjà dans la RA 51/2023, lors de l’essai exclusif du futur Porsche Macan électrique). Le gros avantage de cette technologie, c’est qu’elle permet de faire évoluer une voiture tout au long de sa vie, et ce par le biais des mises à jour, capables d’ajouter de nouvelles fonctionnalités, voire de permettre de nouvelles caractéristiques.

Bref, les SDV représentent la prochaine révolution à laquelle se préparent de nombreux constructeurs automobiles. «À l’avenir, les ordinateurs centraux contrôleront l’ensemble des tâches des véhicules modernes et réduiront le nombre d’unités de contrôle individuelles», explique Markus Heyn. Voilà qui profitera aussi aux plus petites voitures tout public, lesquelles pourront dès lors proposer un niveau de sécurité plus élevé. 

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Markus Heyn est membre du conseil d’administration de Robert Bosch GmbH.

Budapest, là où cette technologie est née

«Le Bosch Budapest Innovation Campus obtient de plus en plus de projets et de plus en plus de budget de la part de la maison mère en Allemagne», s’enorgueillit István Szászi, représentant du «Bosch Group» en Hongrie et dans les pays avoisinants. Le centre de compétence de la capitale hongroise (photo), qui emploie plus 3500 employés, principalement des ingénieurs actifs dans le domaine de la recherche et du développement, est spécialisé dans l’électrification, mais surtout dans les solutions de conduite automatisée: «En 2022, plus de 140 millions d’euros ont été investis dans la recherche et le développement autour de la conduite autonome», rajoute fièrement István Szászi. D’ailleurs, c’est entre autres ici qu’a été développée la plateforme d’intégration Cockpit & ADAS (lire texte principal). Le campus hongrois abrite 14 000 m2 de laboratoires de recherche et une piste d’essai extérieure de 10 000 mètres carrés dédiée aux systèmes de conduite autonome. Sur celle-ci, les assistances à la conduite fonctionnant grâce aux données collectées par les capteurs ultrasons, les radars et les caméras sont développés et peaufinés, et ce sur une grande variété de revêtements routiers et dans toute une série de situations. La piste d’essai fermée dispose de ses propres stations de carburant et de recharge électrique. En outre, un système d’éclairage spécial a été installé pour simuler de manière réaliste les conditions d’éclairage du crépuscule et de la nuit.

Olivier Derard

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Commentaire

Vers la fin de la «conduite manuelle»?

Mercedes-Benz l’avait annoncé par voie de presse en 2022: Stuttgart souhaite parvenir à une conduite zéro accident à l’horizon 2050. On voit mal comment il sera possible de parvenir à un tel résultat en laissant encore l’humain décider seul derrière le volant – après tout, ne dit-on pas depuis la Rome antique que «l’erreur est humaine»? C’est très clair, cet objectif zéro accident n’est atteignable qu’en laissant la technologie prendre le dessus. En soi, l’industrie automobile a déjà commencé à préparer les conducteurs à cet avenir, et ce par le biais d’avertissements paternalistes, lorsque la vitesse limite autorisée est dépassée ou que le conducteur détourne le regard de la route, par exemple. Oui, en 2024 déjà, l’humain n’est plus le seul maître à bord de son véhicule. Mais qu’en sera-t-il dans les années à venir? Eh bien il y a fort à parier que ces «anges gardiens» technologiques se fassent de plus en plus invasifs dans les habitacles. Reste à répondre à une question: que restera-t-il du plaisir de conduite? En fait, on peut même se demander ce qu’il adviendra de la conduite manuelle (humaine) en tant que telle. Car il ne faut pas se leurrer, c’est bien de la disparition pure et simple de celle-ci dont on parle. Voilà qui est bien malheureux pour les passionnés. Seule consolation: 2050, ce n’est pas vraiment pour tout de suite.

Olivier Derard

Photos: Bosch

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