Améliorer le cycle de vie

Ramon Egger | 16.11.2023

Ressources Par de nouvelles directives, l’Europe veut renforcer le recyclage des matériaux «critiques», assurer son indépendance et protéger le climat.

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Dès 2035, l’Europe ne vendra plus que des voitures électriques, pour mieux protéger le climat. Peu de grandes régions du monde ont un calendrier plus strict que celui-ci pour l’introduction de l’électromobilité totale. Or, de nouvelles dépendances vont ainsi être créées, avec de nouvelles matières premières nécessaires. Des matières dont les besoins devraient encore fortement augmenter dans les années à venir. Problème: il s’agit de matériaux qui ne proviennent qu’en très petite partie d’Europe, du moins actuellement. Il conviendra donc de sécuriser les chaînes d’approvisionnement et de réduire les dépendances autant que possible. Actuellement, nous sommes surtout très dépendants de la Chine, qui contrôle jusqu’à 100 % du marché de certaines matières premières. Avec deux nouvelles réglementations qui concernent également l’industrie automobile, l’UE veut désormais s’assurer aussi une sécurité économique. Ce sont le «Critical Raw Materials Act» et la nouvelle «End-of-Life Vehicles Policy».

Recyclage et interdiction d’exportation

Dans le «Critical Raw Materials Act» (CRM), l’UE définit la manière de traiter les matériaux dont on ignore la manière dont le prix et la disponibilité évolueront dans les années à venir. Cette loi définit plus de 30 matières premières ou groupes de matières premières critiques, dont 16 sont considérées comme «stratégiquement importantes». Parmi elles, plusieurs sont indispensables à la production des véhicules électriques, dont le lithium, le manganèse, le graphite et le nickel qui sont utilisés dans les batteries, ou des éléments rares souvent intégrées dans les machines électriques. Il y a aussi le cuivre, utilisé pour les câbles: plus de 80 kg de cuivre sont aujourd’hui intégrés dans une voiture électrique, soit trois à quatre fois plus que dans une voiture à combustion.

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L’Europe ne doit pas ressembler à cela: image générée par l’IA d’une décharge pour batteries de voitures.

Le CRM vise dans le même temps à réduire la consommation de ressources pour des raisons écologiques et à promouvoir l’indépendance économique vis-à-vis des différents États. Même si le CRM ne le mentionne pas explicitement, il est clair que la Chine est avant tout visée. Ainsi, un pays non-membre de l’UE ne pourra pas fournir plus de 65 % d’une «matière première critique». Et c’est précisément le cas aujourd’hui pour de nombreux matériaux, soit parce que les réserves ne sont pas encore exploitées en Europe, soit parce que l’extraction est trop coûteuse. Ou tout simplement parce qu’ils ne sont pas disponibles sur le Vieux-Continent. Le recyclage est donc indispensable pour répondre à ce fameux CRM.

La «End-of-Life Vehicles Policy», proposée par la Commission européenne en juillet 2023, entre en jeu à ce stade. Celle-ci va bien au-delà du «Critical Materials Act», puisqu’elle prévoit notamment que 25 % du plastique utilisé dans une nouvelle voiture doit être recyclé. Et 25 % de ce plastique doit provenir de «End-of-Life Vehicles», c’est-à-dire de véhicules qui ne sont plus en état de rouler en Europe. L’acier, l’aluminium et tous les matériaux considérés comme critiques font également partie des éléments qui doivent être recyclés. En outre, une interdiction d’exportation des voitures qui ne sont plus en état de rouler doit entrer en vigueur et les constructeurs devront être «tenus financièrement responsables» du recyclage de leurs voitures en fin de vie. Il n’y a pas encore de détails sur la forme que prendront ces directives, ou sur la manière d’éviter que cette «responsabilité financière» reste chez les constructeurs et ne soit pas reportée sur les acheteurs.

Avec environ 6 millions de voitures retirées de la circulation chaque année en Europe, le recyclage devrait permettre à l’avenir de mettre à disposition 5,4 millions de tonnes de matières premières pour la production de nouveaux véhicules.

Constructeurs contre le durcissement

Aujourd’hui déjà, il existe en Europe des directives sur ce qui doit être fait avec les «véhicules en fin de vie». En outre, l’homologation d’un nouveau modèle est soumise à une règle dite des «3 R», qui doit être respectée. Celle-ci propose des lignes directrices pour la «reusability, recoverability and recyclability», c’est-à-dire la «réutilisabilité», la «récupérabilité» et la «recyclabilité». La nouvelle directive vise à renforcer et à fusionner ces deux textes.

Or, les constructeurs automobiles européens s’opposent à ces nouvelles directives. L’Association des constructeurs européens d’automobiles (ACEA) affirme que le taux de recyclage des voitures est déjà de 85 %. Les nouvelles réglementations sont donc inutiles, compliquées et trop peu réfléchies. «Nous sommes préoccupés par le fait que la Commission européenne n’a pas suffisamment étudié les déséquilibres entre l’offre et la demande de matériaux recyclés et les lacunes technologiques existantes», écrit ainsi la directrice Sigrid de Vries. En d’autres termes, il se peut tout simplement qu’il n’y ait pas assez de matériaux recyclés disponibles pour répondre aux besoins légaux des nouvelles voitures. 

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