WEC Triplé des voitures allemandes au Qatar. Pour Toyota, les dés étaient pipés d’entrée. Chez Ferrari, on a joué les gaffeurs. Peugeot: du sourire aux larmes.
D'abord une sensation, puis un choc: la Peugeot 9X8 a longtemps été en course pour le podium avant que la voiture ne s'arrête juste avant l'arrivée.
La nouvelle ère de l’endurance a véritablement commencé
samedi dernier sur le circuit de Lusail, aux portes de Doha, avec les
1812 km du Qatar. Le WEC, en 2024, ce sont neuf constructeurs en
Hypercar, autant en GT3. Et des stars en nombre. Des surprises, aussi?
Dès le début de la semaine, lors du prologue, les Porsche 963 LMDh
impressionnent, comme la seule Cadillac alignée. Mais la sensation vient
d’ailleurs, des énormes difficultés du multiple tenant du titre,
Toyota. «On les connaît, en course, les Japonais seront devant»: dans le
paddock, tout le monde en est persuadé, mais tout le monde se trompe.
Car après un exploit du nouveau venu Nick de Vries en superpole
(deuxième temps), les désormais noires Toyota ne vont jamais s’extraire
du peloton. On imaginait une tactique conservatrice en matière de
pneumatiques, rien de tout cela: juste un manque de performances, pas
inexplicable du tout (voir encadré). Pour la première fois depuis
Silverstone en 2018, la marque japonaise n’est pas représentée sur le
podium!
Du panache à la panne
Alors, qui? Ferrari, les vainqueurs du Mans en 2023? Eh
non, parce que le team officiel va encore se fourvoyer: la 50, la mieux
placée sur la grille, qui a mené la course dans le premier tour est
rapidement pénalisée d’un «drive through» pour avoir coupé la ligne
d’entrée aux stands, alors que la 51 va perdre toute sa partie arrière
(sur ce coup-là, on a frôlé le drame) à pleine vitesse. C’est la
troisième voiture, celle «privée» notamment pilotée par Robert Kubica,
qui s’en sortira le mieux (5e).
Nico Müller: le Bernois est pilote dans l'équipe d'usine de Peugeot.
Porsche, la marque la plus représentée est donc la
grande favorite. Sauf qu’un certain Nico Müller, pour la dernière course
de la Peugeot 9X8 dans sa configuration 2023 (sans aileron arrière) va
faire des étincelles. Le pilote suisse est le premier à montrer où et
comment dépasser sur le circuit de Lusail: par l’extérieur, dans le
premier virage! Quand la voiture française prend la tête au seizième
tour, on se pince pour y croire. Mieux, elle restera sur le podium
virtuel durant toute la course… sauf un tour. Après le panache,
l’interruption: «On est tombé en panne d’essence dans le dernier tour,
sans doute à cause d’un problème lors du dernier ravitaillement»,
souffle le héros suisse de la course. Si Vergne parvient, avec la seule
aide de la machine électrique, à terminer au ralenti et à s’arrêter
juste après la ligne, la Peugeot sera ensuite disqualifiée, pour avoir
utilisé en course une réserve énergétique qui n’est prévue que lorsqu’il
faut ramener la voiture à son stand.
Et les «débutants»?
Buemi (Toyota) finalement neuvième, Jani (Porsche)
dixième et sur le podium des teams «privés», quid des nouveaux venus?
Pour sa première course, la Lamborghini d’Edoardo Mortara se classe
quatorzième, ce qui est encourageant; en revanche, le bilan est plus
inquiétant pour BMW (Marciello 15e), qui a déjà une année d’IMSA
d’expérience. Tout le contraire d’Alpine: les deux voitures françaises
sont à l’arrivée, la meilleure d’entre elles devançant même la Toyota
Championne du Monde.
Les pilotes suisses d'hypercar: Sébastien Buemi avec la Toyota GR010.
Les pilotes suisses d'hypercar: Neel Jani dans la Porsche 963.
Les pilotes suisses d'hypercar: Edoardo Mortara, nouveau venu chez Lamborghini.
Les pilotes suisses d'hypercar: Raffaele Marciello, novice chez BMW.
En GT3 – victoire Porsche, là aussi –, Thomas Floor
(Ferrari) termine cinquième, devancé notamment par «la» star Valentino
Rossi (BMW). Au volant d’une des deux nouvelles McLaren, le Jurassien
Grégoire Saucy est passé par tous les états d’âme: sa voiture a dû
rejoindre les stands dès la fin du premier tour après une violente
touchette (17 minutes de réparation): «Ensuite, notre rythme a été bon,
la performance est là. C’était ma première course d’endurance, j’ai
énormément appris et je suis impatient d’être à Imola, pour la deuxième
étape du championnat», explique Saucy qui, en début de semaine, avait
signé le meilleur temps du prologue!
Pilote dans la catégorie GT3: Grégoire Saucy dans la McLaren 720S GT3 Evo 2.
Pilote dans la catégorie GT3: Thomas Flohr dans la Ferrari 296 GT3.
Photos: WEC, Peugeot
La BoP (déjà) en question
Kamui Kobayashi est à la fois team manager et pilote
de l’une des deux Toyota GR010 Hybrid engagées en WEC, la no 7, sixième
de cette ouverture de la saison 2024 au Qatar. La voiture sœur, celle de
Sébastien Buemi, Championne du Monde en titre, s’est finalement classée
au neuvième rang. Commentaire de Kobayashi: «Malheureusement, durant
toute la course, nous ne sommes pas parvenus à trouver la performance
nécessaire. Ce circuit n’a pas convenu à notre voiture, ce fut une
surprise pour nous de découvrir de telles difficultés.»
La BoP, la fameuse «balance de performances»? Pas un
mot, parce que les équipes et les pilotes s’engagent par écrit à ne pas
en parler publiquement. Restent les faits: au Qatar, les Toyota étaient
les plus lourdes de toutes les Hypercars (1089 kg, soit, par exemple, 59
de plus que la Peugeot 9X8, sensation de cette course). Commentaire
d’un pilote qui n’est pas engagé en WEC cette année, mais qui connaît
bien la problématique: «Ce qu’il faut savoir, c’est que lorsque l’on
ajoute du poids à une voiture, les effets sur les performances ne sont
pas linéaires. Si un surplus de 10 kg coûte, par exemple, 2 dixièmes au
tour, cela ne veut pas dire qu’avec 20 kg de plus, on ne perdra que 4
dixièmes. Nous avons ici affaire à des conséquences exponentielles.»
Et cela s’est remarqué sur cet asphalte très abrasif,
les équipes devant en plus composer avec la nouvelle règlementation
technique, qui limite le nombre de pneus (32 pour les qualifications et
la course, aux 1812 km du Qatar). JCS
Résultats
1812 km du Qatar
Lusail (Qatar). 1re manche (sur 8) du Championnat du Monde d’Endurance: 1. (1ers catégorie Hypercars) K. Estre/A. Lotterer/L. Vanthoor (F/D/B), Porsche 963, 335 tours en 9h55’51’’926. 2. W. Stevens/C. Ilott/N. Nato (GB/GB/F), Porsche 963, +33’’297. 3. M. Campbell/M. Christensen/F. Makowiecki (AUS/DK/F), Porsche 963, +34’’396. 4. E. Bamber/A. Lynn/S. Bourdais (NZ/GB/F), Cadillac V-Series R, +1 tour. 5. R. Kubica/R. Shwartzman/Y. Ye (PL/IRS/CHN), Ferrari 499P, +1 tour. Puis: 9. Sébastien Buemi/R. Hartley/R. Hirakawa (CH/NZ/J), Toyota GR010, +2 tours. 10. Neel Jani/H. Tincknell/J. Andlauer (CH/GB/F), Porsche 963, +2 tours. 14. Edoardo Mortara/M. Bortolotti/D. Kvyat (CH/I/RUS), Lamborghini SC63, +5 tours. 15. Raffaele Marciello/D. Vanthoor/N. Wittmann (CH/B/D), BMW M Hybrid V8, +8 tours. 17. (1ers GT3) A. Malykhin/J. Sturm/K. Bachler (BY/D/A), Porsche 911 GT3 R, +36 tours. 21. (5es GT3) Thomas Flohr/F. Castellacci/D. Rigon (CH/I/I), Ferrari 296 GT3, +38 tours. 30. (14es GT3) Grégoire Saucy/J. Cottingham/N. Costa (CH/GB/BR), McLaren 720S GT3 Evo 2, +51 tours. – Disqualifiés: Nico Müller/M. Jensen/J.-E. Vergne (CH/DK/F), Peugeot 9X8 (utilisation erronée d’une réserve d’énergie électrique). – 37 voitures au départ, 32 classées.