Werner J. Haller | 01.02.2024
Synfuel Pourquoi la
plupart des pilotes renoncent au carburant synthétique dans le sport automobile suisse? La Revue Automobile a fait la tournée des popotes.
Bien que tout le monde s’accorde à dire que le sport automobile risque de devenir la cible des écologistes si rien n’est entrepris, de nombreux pilotes se trouvent des excuses pour renoncer au carburant synthétique. La perte de puissance est la raison le plus souvent évoquée. Roger Schnellmann, deuxième du classement général des voitures de tourisme en Championnat de Suisse de la Montagne, fait partie des prétendants au titre avec sa Mitsubishi: «Dans mon cas, la perte de chevaux serait tout simplement trop importante. Même un expert en moteurs m’a déconseillé d’utiliser du carburant synthétique. On ne peut pas se permettre une perte de puissance si, comme moi, on veut battre des records.»
Robin Faustini, troisième du classement général des voitures de course: «J’ai notamment discuté avec mon préparateur; il estime que ma voiture perdrait trop de puissance avec du Synfuel.» Même son de cloche pour Joel Burgermeister, qui a récemment dominé les courses de côte en monoplaces: «Je ne me suis pas encore penché sur le sujet de manière approfondie, mais je sais que la perte de puissance serait importante.»
Lukas Eugster, qui a toujours été le premier challenger de
Philipp Egli ces dernières années dans la lutte pour la victoire absolue en
slalom, déplore le manque de motivation réelle qui pourrait convaincre les
pilotes: «Il n’y a pas encore d’incitation sportive, il n’y a pas de classement
dédié aux véhicules Synfuel.» Patrick Falk, directeur de l’association Auto
Sport Suisse (ASS), s’exprime à ce sujet: «Nous avons discuté intensivement au
sein de la direction d’une coupe pour inciter les pilotes à utiliser du
carburant synthétique, mais nous n’avons pas encore de règlement à disposition
pour l’ensemble des disciplines.» Le prix du litre de carburant synthétique est
un autre argument.
Une question de coûts
Certes, une augmentation de budget d’environ 1000 francs par
saison, comme dans le cas de Simon Wüthrich, le pionnier du Synfuel
(RA04/2023), est une goutte d’eau dans l’océan d’un sport qu’on sait coûteux.
«Mais nous avons atteint une limite. Tout ne fait qu’augmenter, même nos
licences cette année. Et le carburant synthétique représente la goutte de
trop», justifie Bruno Ianniello. C’est également l’avis d’Eugster: «Pour moi,
c’est une question de coûts. De plus, il me reste encore une soixantaine de
litres d’essence de course en stock.»
De nombreux pilotes reconnaissent bien volontiers «que nous
devons aussi apporter notre contribution à l’environnement.» Mais le Synfuel
n’y contribue pas encore suffisamment, estime ainsi Philipp Krebs, vainqueur de
la Renault-Clio-Cup 2019: «On me vend encore le Synfuel comme ‹trop› vert. Je
sais de source sûre que les pilotes de rallye doivent changer d’huile plus
souvent qu’à l’accoutumée, car elle a tendance à se diluer lorsque brûle le
Synfuel. Cela fonctionne, mais il y a encore une marge de progression.»
Steiner, Champion de Suisse de la Montagne en titre (voitures de sport),
constate: «En fin de compte, nous avons dû changer l’huile plus souvent.»
«Est-ce durable?»
Pour
Schnellmann aussi, c’est clair: «Si je roulais avec du carburant synthétique,
je consommerais environ 30 litres d’huile par week-end. Est-ce durable? Et de
toute façon, lorsque je me rends aux courses, je consomme plus de carburant
avec le transport que lors de la course en elle-même.»
Bruno Sawatzki, Champion de Suisse de la Montagne en voitures de
tourisme, va plus loin: «Pourquoi devons-nous, à chaque course, changer les
numéros de départ? Pourquoi pas des numéros fixes comme en Clio-Cup? La
durabilité commence aussi par là.» Le directeur de l’ASS, Patrick Falk, en est
conscient: «Nous sommes en discussion pour la création d’un guide
environnemental pour les organisateurs, ainsi que la création d’un groupe
compétent pour l’environnement, la durabilité et l’inclusion.»
Que dit, au sujet du Synfuel, Avenergy, l’Association qui défend
les intérêts des importateurs de carburants et combustibles liquides dans notre
pays? Son directeur, Roland Bilang, explique: «Les carburants liquides sont
irremplaçables pour le transport de charges lourdes et les longues durées
d’exploitation. Le carburant fait également partie du sport automobile. Pour
être en phase avec la protection du climat, beaucoup font confiance aux
Synfuels ou e-fuels respectueux du climat. Ces derniers présentent des avantages:
ils sont comparables aux carburants fossiles en termes de qualité et de domaine
d’application, ils peuvent être mélangés avec ces derniers et ils protègent la
planète. Inconvénient? Leur prix, qui peut être jusqu’à cinq fois plus élevé
que celui des carburants fossiles. La production de Synfuels nécessite un
processus industriel compliqué et gourmand en énergie et les grandes
installations de production prennent du temps à être construites.
L’approvisionnement en matières premières (CO2, hydrogène) représente également
un défi technique et logistique. Mais les Synfuels n’ont pas d’alternative: ils
s’imposeront. Il faut juste avoir encore un peu de patience.»
Photos: Werner J. Haller, Christian Eichenberger