Rallye – Un pic continental

Reiner Kuhn | 16.05.2024

Rallye Aucune autre série FIA ne connaît un tel essor que le Championnat d’Europe des Rallyes, organisé depuis plus de 70 ans. Le début de saison 2024 le souligne de manière impressionnante.

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Haydon Paddon (Hyundai i20 N Rally2) est le tenant du titre.

Il faut se frotter les yeux pour y croire: l’an dernier, sept pilotes différents se sont imposés lors des huit manches du 70e Championnat d’Europe des Rallyes. Couronné champion, le Néo-Zélandais Hayden Paddon est du même coup devenu le premier vainqueur non-Européen du plus ancien championnat continental de la Fédération internationale de l’automobile (FIA). Or, comme l’ont démontré les deux premières manches de l’année, l’exercice 2024 devrait être tout aussi spectaculaire. Lors du coup d’envoi donné en Hongrie, 54 des 88 teams inscrits pour le championnat étaient présents, dont 28 dans la catégorie «reine», celle des voitures Rally2 de Citroën, Ford, Hyundai, Skoda, Toyota et Volkswagen.

Mi-avril, les larmes ont coulé sur les pistes de terre tracées autour du lac Balaton, en Hongrie. Et lors de la deuxième manche, cette fois sur les rapides routes asphaltées de Gran Canaria, les yeux se sont aussi humidifiés, tant la lutte a été intense. Reprenons les choses dans l’ordre: peu avant le début de la saison à Veszprem (Hongrie), le médecin en chef du rallye est appelé à l’hôtel du co-favori Mads Östberg; depuis plusieurs jours, l’ancien pilote d’usine norvégien lutte contre une infection pulmonaire douloureuse: il va devoir renoncer à la course à la dernière minute!

Beaucoup d’alternance

D’autres vont aussi souffrir. Le Championnat d’Europe 2024 n’est «vieux» que de trois épreuves spéciales et 12 des 79 équipages au départ ont déjà perdu des plumes, dont le Champion d’Europe 2022 Efren Llarena, qui a détruit le radiateur de sa Skoda sur l’un des méchants sauts du parcours sur terre. Rares sont les participants qui traversent ces pistes sans y laisser quelque chose. Les crevaisons comptent parmi les maux les moins graves, c’est tout dire! Mathieu Franceschi a pris la tête, avant de mettre sa Skoda «hors-jeu» à deux reprises, puis d’effectuer une impressionnante remontée. Mikko Heikkilä et Martins Sesks se disputent la tête au volant de leur Toyota GR Yaris Rally2 flambant neuves, suivis de près par Simone Tempestini (Skoda), le pilote local hongrois Miklós Csomós et le Champion d’Europe Hayden Paddon (Hyundai).

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Simone Tempestini (Skoda Fabia RS Rally2) a remporté la première manche de l’exercice 2024 en Hongrie.

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 Yoann Bonato (Citroën C3 Rally2) a remporté la deuxième manche aux Canaries.

Le jour décisif, les événements s’enchaînent: c’est d’abord Heikkilä, jusqu’alors en tête, qui est touché: une roue se brise et la Toyota s’échoue dans les champs. Sesks, son compagnon de marque, ne peut profiter que brièvement de sa place au soleil: dans l’avant-dernière spéciale, l’Estonien se retrouve dans le pétrin et sort avec un support de roue cassé. Dans la «Powerstage» finale, Paddon, deuxième derrière Tempestini, est également retardé par une crevaison qui fait sortir le Néo-Zélandais du podium. Franceschi est récompensé par la deuxième place, le héros local Csomós, financé par une opération de «crowdfunding», est troisième et tous les deux hurlent de bonheur sur le podium. Le vainqueur, Tempestini, n’est pas moins ému. Cet Italien de 29 ans, sacré Champion du Monde Junior il y a dix ans, avait alors dû enterrer ses rêves d’accession à la deuxième catégorie du Championnat du Monde (WRC2) faute de budget; il a ensuite été sacré huit fois champion national dans son pays d’adoption, la Roumanie, et voilà qu’il fête sa première victoire en Championnat d’Europe. Des larmes, encore des larmes…

Le tableau est tout autre lors de la deuxième manche, aux Canaries. Non seulement le changement de terrain imposé par le promoteur – on passe d’un sol meuble à un revêtement en dur –, garantit un suspense absolu, mais les nombreux spécialistes espagnols et français de l’asphalte viennent se mêler à l’élite établie du Championnat d’Europe. Sur les 96 participants, 33 prennent le départ dans la catégorie Rally2, dont plus d’une demi-douzaine de candidats à la victoire. Le vainqueur de l’an dernier Yoann Bonato (Citroën), son compatriote français Franceschi (Skoda) et le héros local Alejandro Cachón (Toyota) forment un trio rapide. Le Champion d’Europe Paddon tente de rester dans le sillage des spécialistes de l’asphalte, tout comme le revenant Mads Östberg, ou Miklós Csomós. Mais le Hongrois dépasse les limites et envoie sa Skoda de plein fouet dans le mur d’une maison! D’autres sont avertis et prennent un peu de recul. Ainsi, Cachón, relégué à la 17e place après une crevaison, parvient à réaliser quatre nouveaux meilleurs temps, pour finalement dépasser des spécialistes comme Jon Armstrong (Ford), de nombreux collègues locaux ainsi que les ex-champions d’Europe Alexey Lukyanuk (Hyundai) et Efren Llarena (Skoda). En tête, les Français se disputent la victoire. Après la première spéciale du second jour, seulement trois dixièmes séparent Yoann Bonato de Jean-Baptiste Franceschi. À l’arrivée, à peine 2,8 secondes: «J’aurais bien aimé tenter une ultime attaque, avoue Franceschi, mais le risque était tout simplement trop grand, je dois tenir compte du championnat.» Avec ses deux deuxièmes places, Franceschi prend logiquement les commandes du classement général, devant Paddon, qui a dû se contenter de la sixième place à Gran Canaria, après avoir terminé quatrième lors de la manche hongroise.

Des rallyes attractifs

La suite devrait être du même tonneau. Notamment parce que le promoteur a bouleversé le calendrier: «Nous avons travaillé dur pour mélanger de nouveaux rallyes avec des épreuves traditionnelles et offrir ainsi d’autres opportunités», explique Iain Campbell, le manager du Championnat d’Europe. Après la Hongrie et l’Espagne, il y aura la nouvelle classique suédoise (Värmland), ajoutée l’an dernier, puis le Rallye d’Estonie, passé du WRC au Championnat d’Europe, avant les épreuves habituelles près de Rome et à Zlin, en République tchèque. La nouveauté réside dans le sprint final, qui débutera en septembre avec le Rallye Ceredigion (Pays de Galles), qui n’en est qu’à sa troisième édition et qui sera suivi d’une finale également nouvelle sur les pistes d’asphalte cahoteuses et sinueuses des montagnes autour de Katowice (Pologne). Cette année, les teams s’affronteront ainsi trois fois sur des surfaces meubles et cinq fois sur l’asphalte.

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Le Néo-Zélandais Hayden Paddon a été le premier non-Européen à remporter le Championnat d’Europe.

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Le Français Mathieu Franceschi est actuellement en tête du général.

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L’Italien Simone Tempestini a versé des larmes après sa victoire en Hongrie.

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Le Norvégien et ancien pilote d’usine en Championnat du Monde Mads Östberg fait partie des favoris dans la lutte très disputée pour le titre.

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L’Écossais Max McRae est le fils de l’ex-pilote Alister et neveu de l’inoubliable Champion du Monde Colin McRae.

La catégorie supérieure n’est pas la seule à être forte et diversifiée: le Championnat d’Europe Junior, qui se joue comme toujours avec les Rally4 de Ford, Opel, Peugeot et Renault sur trois épreuves sur terre et trois sur asphalte, regorge d’une concurrence internationale avec 17 jeunes pilotes en provenance de douze nations. Le vainqueur sera promu en Championnat du Monde Junior Rally3. Max McRae, fils de l’ancien pilote d’usine Alister et neveu de l’inoubliable Champion du Monde Colin, a pris la tête de la première manche, tandis que les pilotes Opel ont dominé sur les routes asphaltées des Canaries. Le Suédois Mille Johansson s’y est imposé devant son compatriote Calle Carlberg et l’Allemand Timo Schulz.

Le retour du Rallye du Valais?

La Suisse reste un sujet de discussion. Avec Stefan Brugger, Olivier Burri, Jean-Marie Carron, Eric Chapuis, Claude Haldi, Cyril Henny, Grégoire Hotz, Christian Jacquillard, Erwin Keller, Laurent Reuche, Philippe Roux et Robert Torday, douze pilotes helvétiques ont inscrit leur nom au palmarès des 70 ans du Championnat d’Europe des Rallyes. Et le Rallye International du Valais a fait partie à sept reprises de l’élite continentale: «Nous sommes en contact permanent, et pas seulement avec les organisateurs en Valais. Une manche du Championnat d’Europe en Suisse aurait un attrait tout particulier», concède Campbell, le patron du championnat, en rappelant toutefois qu’il reçoit de nombreuses demandes: «Jamais l’intérêt des organisateurs de rallyes et des régions n’a été aussi grand. Probablement aussi en raison de la nouvelle commercialisation de nos courses.»

Ainsi, lors d’un week-end de Championnat d’Europe, jusqu’à 60 collaborateurs et plus de 30 caméras – une bonne douzaine dans les cockpits des voitures de pointe, ainsi qu’une dans un hélicoptère –, sont mobilisés pour immortaliser chaque kilomètre par l’image et le son. Sur la plateforme Internet Rally.TV, qui a également fait ses preuves en Championnat du Monde, l’action peut être consultée en direct ou en différé à tout moment avec des informations de l’intérieur, des analyses et des interviews. 

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Les atouts: une diversité de teams et de constructeurs

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Les atouts: des rallyes variés comme celui sur asphalte à Rome.

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Les atouts: Outre les catégories de pointe, le Championnat d’Europe Junior est lui aussi attractif.

Photos: Nico Meyer, ERC

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