Rallye Aucune autre série FIA ne connaît un tel essor que le Championnat d’Europe des Rallyes, organisé depuis plus de 70 ans. Le début de saison 2024 le souligne de manière impressionnante.
Il faut se frotter les yeux pour y croire: l’an
dernier, sept pilotes différents se sont imposés lors des huit manches
du 70e Championnat d’Europe des Rallyes. Couronné champion, le
Néo-Zélandais Hayden Paddon est du même coup devenu le premier vainqueur
non-Européen du plus ancien championnat continental de la Fédération
internationale de l’automobile (FIA). Or, comme l’ont démontré les deux
premières manches de l’année, l’exercice 2024 devrait être tout aussi
spectaculaire. Lors du coup d’envoi donné en Hongrie, 54 des 88 teams
inscrits pour le championnat étaient présents, dont 28 dans la catégorie
«reine», celle des voitures Rally2 de Citroën, Ford, Hyundai, Skoda,
Toyota et Volkswagen.
Mi-avril, les larmes ont coulé sur les pistes de terre
tracées autour du lac Balaton, en Hongrie. Et lors de la deuxième
manche, cette fois sur les rapides routes asphaltées de Gran Canaria,
les yeux se sont aussi humidifiés, tant la lutte a été intense.
Reprenons les choses dans l’ordre: peu avant le début de la saison à
Veszprem (Hongrie), le médecin en chef du rallye est appelé à l’hôtel du
co-favori Mads Östberg; depuis plusieurs jours, l’ancien pilote d’usine
norvégien lutte contre une infection pulmonaire douloureuse: il va
devoir renoncer à la course à la dernière minute!
Beaucoup d’alternance
D’autres vont aussi souffrir. Le Championnat d’Europe
2024 n’est «vieux» que de trois épreuves spéciales et 12 des 79
équipages au départ ont déjà perdu des plumes, dont le Champion d’Europe
2022 Efren Llarena, qui a détruit le radiateur de sa Skoda sur l’un des
méchants sauts du parcours sur terre. Rares sont les participants qui
traversent ces pistes sans y laisser quelque chose. Les crevaisons
comptent parmi les maux les moins graves, c’est tout dire! Mathieu
Franceschi a pris la tête, avant de mettre sa Skoda «hors-jeu» à deux
reprises, puis d’effectuer une impressionnante remontée. Mikko Heikkilä
et Martins Sesks se disputent la tête au volant de leur Toyota GR Yaris
Rally2 flambant neuves, suivis de près par Simone Tempestini (Skoda), le
pilote local hongrois Miklós Csomós et le Champion d’Europe Hayden
Paddon (Hyundai).
Le jour décisif, les événements s’enchaînent: c’est
d’abord Heikkilä, jusqu’alors en tête, qui est touché: une roue se brise
et la Toyota s’échoue dans les champs. Sesks, son compagnon de marque,
ne peut profiter que brièvement de sa place au soleil: dans
l’avant-dernière spéciale, l’Estonien se retrouve dans le pétrin et sort
avec un support de roue cassé. Dans la «Powerstage» finale, Paddon,
deuxième derrière Tempestini, est également retardé par une crevaison
qui fait sortir le Néo-Zélandais du podium. Franceschi est récompensé
par la deuxième place, le héros local Csomós, financé par une opération
de «crowdfunding», est troisième et tous les deux hurlent de bonheur sur
le podium. Le vainqueur, Tempestini, n’est pas moins ému. Cet Italien
de 29 ans, sacré Champion du Monde Junior il y a dix ans, avait alors dû
enterrer ses rêves d’accession à la deuxième catégorie du Championnat
du Monde (WRC2) faute de budget; il a ensuite été sacré huit fois
champion national dans son pays d’adoption, la Roumanie, et voilà qu’il
fête sa première victoire en Championnat d’Europe. Des larmes, encore
des larmes…
Le tableau est tout autre lors de la deuxième manche,
aux Canaries. Non seulement le changement de terrain imposé par le
promoteur – on passe d’un sol meuble à un revêtement en dur –, garantit
un suspense absolu, mais les nombreux spécialistes espagnols et français
de l’asphalte viennent se mêler à l’élite établie du Championnat
d’Europe. Sur les 96 participants, 33 prennent le départ dans la
catégorie Rally2, dont plus d’une demi-douzaine de candidats à la
victoire. Le vainqueur de l’an dernier Yoann Bonato (Citroën), son
compatriote français Franceschi (Skoda) et le héros local Alejandro
Cachón (Toyota) forment un trio rapide. Le Champion d’Europe Paddon
tente de rester dans le sillage des spécialistes de l’asphalte, tout
comme le revenant Mads Östberg, ou Miklós Csomós. Mais le Hongrois
dépasse les limites et envoie sa Skoda de plein fouet dans le mur d’une
maison! D’autres sont avertis et prennent un peu de recul. Ainsi,
Cachón, relégué à la 17e place après une crevaison, parvient à réaliser
quatre nouveaux meilleurs temps, pour finalement dépasser des
spécialistes comme Jon Armstrong (Ford), de nombreux collègues locaux
ainsi que les ex-champions d’Europe Alexey Lukyanuk (Hyundai) et Efren
Llarena (Skoda). En tête, les Français se disputent la victoire. Après
la première spéciale du second jour, seulement trois dixièmes séparent
Yoann Bonato de Jean-Baptiste Franceschi. À l’arrivée, à peine 2,8
secondes: «J’aurais bien aimé tenter une ultime attaque, avoue
Franceschi, mais le risque était tout simplement trop grand, je dois
tenir compte du championnat.» Avec ses deux deuxièmes places, Franceschi
prend logiquement les commandes du classement général, devant Paddon,
qui a dû se contenter de la sixième place à Gran Canaria, après avoir
terminé quatrième lors de la manche hongroise.
Des rallyes attractifs
La suite devrait être du même tonneau. Notamment parce
que le promoteur a bouleversé le calendrier: «Nous avons travaillé dur
pour mélanger de nouveaux rallyes avec des épreuves traditionnelles et
offrir ainsi d’autres opportunités», explique Iain Campbell, le manager
du Championnat d’Europe. Après la Hongrie et l’Espagne, il y aura la
nouvelle classique suédoise (Värmland), ajoutée l’an dernier, puis le
Rallye d’Estonie, passé du WRC au Championnat d’Europe, avant les
épreuves habituelles près de Rome et à Zlin, en République tchèque. La
nouveauté réside dans le sprint final, qui débutera en septembre avec le
Rallye Ceredigion (Pays de Galles), qui n’en est qu’à sa troisième
édition et qui sera suivi d’une finale également nouvelle sur les pistes
d’asphalte cahoteuses et sinueuses des montagnes autour de Katowice
(Pologne). Cette année, les teams s’affronteront ainsi trois fois sur
des surfaces meubles et cinq fois sur l’asphalte.
La catégorie supérieure n’est pas la seule à être forte
et diversifiée: le Championnat d’Europe Junior, qui se joue comme
toujours avec les Rally4 de Ford, Opel, Peugeot et Renault sur trois
épreuves sur terre et trois sur asphalte, regorge d’une concurrence
internationale avec 17 jeunes pilotes en provenance de douze nations. Le
vainqueur sera promu en Championnat du Monde Junior Rally3. Max McRae,
fils de l’ancien pilote d’usine Alister et neveu de l’inoubliable
Champion du Monde Colin, a pris la tête de la première manche, tandis
que les pilotes Opel ont dominé sur les routes asphaltées des Canaries.
Le Suédois Mille Johansson s’y est imposé devant son compatriote Calle
Carlberg et l’Allemand Timo Schulz.
Le retour du Rallye du Valais?
La Suisse reste un sujet de discussion. Avec Stefan
Brugger, Olivier Burri, Jean-Marie Carron, Eric Chapuis, Claude Haldi,
Cyril Henny, Grégoire Hotz, Christian Jacquillard, Erwin Keller, Laurent
Reuche, Philippe Roux et Robert Torday, douze pilotes helvétiques ont
inscrit leur nom au palmarès des 70 ans du Championnat d’Europe des
Rallyes. Et le Rallye International du Valais a fait partie à sept
reprises de l’élite continentale: «Nous sommes en contact permanent, et
pas seulement avec les organisateurs en Valais. Une manche du
Championnat d’Europe en Suisse aurait un attrait tout particulier»,
concède Campbell, le patron du championnat, en rappelant toutefois qu’il
reçoit de nombreuses demandes: «Jamais l’intérêt des organisateurs de
rallyes et des régions n’a été aussi grand. Probablement aussi en raison
de la nouvelle commercialisation de nos courses.»
Ainsi, lors d’un week-end de Championnat d’Europe,
jusqu’à 60 collaborateurs et plus de 30 caméras – une bonne douzaine
dans les cockpits des voitures de pointe, ainsi qu’une dans un
hélicoptère –, sont mobilisés pour immortaliser chaque kilomètre par
l’image et le son. Sur la plateforme Internet Rally.TV, qui a également
fait ses preuves en Championnat du Monde, l’action peut être consultée
en direct ou en différé à tout moment avec des informations de
l’intérieur, des analyses et des interviews.