Dakar Carlos Sainz remporte le Dakar au volant de l’Audi d’usine. La troisième et dernière tentative du véhicule expérimental allemand a donc été la bonne. Aussi parce que la concurrence a commis des erreurs.
Vainqueur du Dakar: Carlos Sainz dans l'Audi RS Q e-tron T1U.
La 46e édition du Dakar est désormais terminée. Pendant deux
semaines, douze étapes et près de 8000 km (plus de 4000 en spéciales), les
participants se sont déchaînés, se battant à coup de secondes dans ce qui est
sans conteste le plus important et le plus iconique de tous les marathons
mécaniques. L’«Empty Quarter», situé au sud de la péninsule arabique, est la
plus grande et la plus désertique étendue de sable du monde. Du nord au sud,
d’est en ouest, ce vaste espace vide mesure 500 km sur 1300: la Suisse pourrait
y être immergée plus de 15 fois!
Immergés? C’est aussi ce qu’ont subi quelques favoris lors de
cette très rapide chasse au trésor. En tête après un départ impressionnant, le
pilote local Yazeed Al-Rajhi a vu les choses se compliquer pour lui: dès le
début de la grande nouveauté de cette édition 2024, une étape de 48 heures dans
l’immense mer de dunes de l’«Empty Quarter» où l’assistance externe est
interdite et où pilotes et copilotes sont livrés à eux-mêmes durant la nuit, il
a fait plusieurs tonneaux avec son Toyota. D’autres se sont également battus
avec eux-mêmes et leurs machines: «C’est la pire chose que l’on puisse faire à
un pilote», raconte ainsi Giniel de Villiers, premier et seul vainqueur
africain du Dakar à ce jour (c’était en 2009). «Comme on perd constamment
l’horizon à cause des montées et des descentes dans les dunes, on a le mal de
mer en roulant; nous avons dû nous arrêter un instant pour vomir. Cela peut
paraître assez fou, mais nous n’étions pas les seuls dans ce cas, j’ai déjà
vécu assez de choses pour ne pas avoir honte de l’admettre», explique le
Sud-Africain de 51 ans, qui s’est réjoui à l’arrivée de sa septième place au
classement général.
Poursuivant d'Audi: le malchanceux Sébastien Loeb en train de changer une roue.
L’ex-champion du monde junior des rallyes, Martin Prokop,
huitième l’an dernier au volant d’un Ford F-150 Raptor de sa propre conception
et au moteur atmosphérique fatigué, s’est lui aussi offert un V6 turbo de
3,5-litres et a pris la cinquième place. Que le Tchèque ait ainsi dominé
l’équipe officielle Ford (M-Sport), engagée avec l’ancien vainqueur du Dakar, Nani
Roma, en étonnera sans doute plus d’un, et ce jusqu’au siège américain à
Dearborn. Bon à savoir: Ford et Dacia s’engageront l’année prochaine avec des
équipes d’usine reformées.
«C’est le Dakar», souffle Guerlain Chicherit, qui participe
depuis 2005 à cette course. «Nous avons loué deux Hilux T1+ pour Guillaume de
Mévius et moi-même auprès de l’écurie belge Overdrive et nous avons essayé de
rouler le plus proprement possible. Ce qui ne nous a pas empêché de crever et
de nous tromper», ajoute ce véritable fonceur, qui se réjouit de sa quatrième
place, après une phase finale spectaculaire. Son coéquipier de Mévius a lui
aussi profité des drames survenus lors de l’avant-dernière étape (587 km), dont
les pistes extrêmement rocailleuses avaient déjà provoqué de nombreux dégâts
l’an dernier.
Beaucoup de malchance pour Loeb
Ainsi, Sébastien Loeb – seul participant à pouvoir encore
menacer le pilote Audi Carlos Sainz, en tête depuis le sixième jour – a perdu
une heure et demie en raison de cinq crevaisons et d’une boulonneuse
défectueuse; malgré cinq victoires d’étape, il a finalement dû se contenter de
la troisième marche sur le podium, derrière le surprenant de Mévius. Son
coéquipier chez Prodrive et futur pilote Dacia, Nasser Al-Attiyah, vainqueur
des deux dernières éditions, a mis les voiles prématurément. Après diverses
crevaisons, des amortisseurs fatigués, une direction cassée, un train arrière
défectueux et des problèmes de moteur, le Qatari a pris le chemin de la maison,
frustré, laissant Loeb tout seul: «Que l’on soit deuxième ou troisième, cela ne
fait pas une grande différence. Nous avons fait peu d’erreurs. Au final, ce
sont nos pneus et nos suspensions endommagées, ainsi que la performance
d’équipe d’Audi qui ont fait pencher la balance», conclut l’Alsacien dans un
esprit de conciliation. Avant de préciser: «Nous devons analyser en détail les
lacunes de notre voiture et en tenir compte dans la nouvelle Dacia.»
La bande à Toyota: Guillaume de Mévius (à droite), deuxième, devant Seth Quintero.
Audi, Carlos Sainz et Lucas Cruz ont en revanche été brillants:
après deux tentatives décevantes les années passées, l’écurie officielle
d’Ingolstadt a mis les petits plats dans les grands à l’occasion de leur
troisième et dernière apparition. Ils ont surtout travaillé en amont sur la
stabilité du RS Q e-tron complexe, dont les quatre roues sont certes entraînées
de manière purement électrique, mais dont la batterie est chargée par un moteur
thermique issu du DTM et tournant entre 4500 et 6000 tr/min. Avec succès: bien
que Carlos Sainz n’ait pas remporté une seule étape, il a fêté sa quatrième
victoire, après 2010 (Volkswagen), 2018 (Peugeot) et 2020 (X-raid Mini). Le
Madrilène, 61 ans a été rapide tout du long, évitant de prendre trop de risques
et profitant des problèmes techniques et des accidents de ses concurrents. Il a
en outre pu compter sur ses deux coéquipiers Mattias Ekström et Stéphane
Peterhansel. Le Suédois a remporté le prologue et occupait la deuxième place à
mi-parcours derrière Sainz, avant qu’un essieu arrière défectueux ne le prive
de toute chance. Peterhansel, détenteur du record de victoires sur le Dakar
(14), a lui aussi souffert de problèmes techniques et a reculé à la 22e place.
Enseignements tirés de la course
Cela n’est pas venu gâcher la fête dans le clan allemand: «C’est
un immense sentiment de bonheur d’avoir écrit un nouveau chapitre de l’histoire
du sport automobile. Nos trois pilotes n’ont pas hésité à aider leurs équipiers
lorsque c’était nécessaire. Cela montre à quel point notre équipe est bien
organisée et fonctionne», déclare ainsi Rolf Michl, le patron d’Audi Motorsport.
Qui ajoute: «Chez Audi, le sport automobile sert aussi à tester des systèmes
entiers ou des composants individuels dans des conditions extrêmes, à commencer
par la construction légère, les matériaux spéciaux, les nouveaux types de
propulsion et la technologie des batteries. Même s’il n’est pas prévu de
continuer avec cette forme de concept de transmission, nous saurons utiliser
les nombreux enseignements tirés des courses et des tests de résistance.»
Entretien: Carlos Sainz (à droite) avec Rolf Michl, chef d'Audi Motorsport.
On ne sait pas encore si Sainz (Ford?), Peterhansel (fin de
carrière?) et Ekström (Ford?) seront de nouveau de la partie l’année prochaine.
La FIA et l’organisateur du Dakar, ASO, ont déjà réagi: le succès historique
d’un véhicule à propulsion alternative au Rallye Dakar ne sera suivi d’aucun
autre pour le moment. La catégorie T1 U n’existera plus à l’avenir. C’est aussi
pour cette raison que Dacia et Ford ont décidé de miser sur des V6 turbo
essence de grande cylindrée afin de se mesurer au favori désigné, Toyota.
RESULTATE
Rallye Dakar. 12 étapes, 4727 km: 1. Sainz/Cruz (E), Audi RS Q e-tron T1U, 48h15’18. 2. De Mévius/Panseri (B/F), Toyota Hilux T1, +1h20’25. 3. Loeb/Lurquin (F/B), Prodrive Hunter T1+, +1h29’12. 4. Chicherit/Winocq (F), Toyota Hilux T1+, +1h35’59. 5. Prokop/Chytka (CZ), Ford F150 T1+, +2h16’43. 6. Botterill/Cummings (AfS), Toyota Hilux T1+, +2h40’33. 7. De Villiers/Murphy (ZA), Toyota Hilux T1+, +2h50’26. 26. De Sadeleer/Metge (CH/F), MMP, 2es SST, +8h24’50. 62. Pesci/Kühni (CH), Toyota Hilux T1, +19h48’41. 73. Goumaz/Delacour (CH/F), MD Rallye Sport, +25h09’14. 129 classés