Rahel Frey – Triomphe historique

Certaines femmes ont déjà rencontré le succès dans différents championnats autour du globe. À commencer par Lella Lombardi (I), la seule femme à avoir marqué... un demi-point lors d’un GP de Formule 1 en 1975 – la course avait été arrêtée après un grave accident. Il y a eu aussi Michèle Mouton (F), deuxième au classement général du Championnat du Monde des rallyes en 1982, derrière Walter Röhrl, ou encore Jutta Kleinschmidt (D), qui a remporté le Rallye Dakar en 2001. Le succès féminin le plus récent date du 4 novembre 2023: ce jour-là, la Soleuroise Rahel Frey, la Danoise Michelle Gatting et la Belge Sarah Bovy ont marqué l’histoire en devenant le premier trio féminin à remporter une course du Championnat du Monde d’Endurance, à Bahreïn. «Le fait que nous ayons réussi à remporter cette victoire dans la dernière course de la catégorie GTE rend ce succès d’autant plus spécial», avoue Rahel Frey. En effet, les «belles et magnifiques GTE» seront remplacées par de «simples» GT3 au sein du Championnat du Monde d’Endurance à partir de l’année prochaine. Iron Lynx, l’équipe officielle de Lamborghini, utilisera des Huracán Evo 2.

Le long chemin vers le succès

En 2023, les «Dames de Fer» avaient troqué leur Ferrari 488 GTE Evo au profit d’une Porsche 911 RSR-19: «La Porsche est une voiture d’endurance incroyable. C’est dommage qu’elle soit déjà mise au rebut. Mais je refuse de dire que nous avons moins bien performé avec l’une ou l’autre voiture. Tout prend du temps. Cette victoire historique est la somme de beaucoup d’efforts, d’argent, de temps et de passion», ajoute-t-elle.

«Nous avons travaillé durement pour atteindre ce succès», explique en effet Rahel Frey, qui n’hésite pas à revenir sur les cinq années au cours desquelles l’écurie Iron Lynx, dirigée par Deborah Mayer, a mené ce projet: les Iron Dames sont passées par le Ferrari Challenge, remportant la course de Gatting au classement général du Trofeo Pirelli en 2021, et puis par les European Le Mans Series, où elles sont montées sur plusieurs podiums avant de décrocher leur première victoire à la mi-octobre 2022, à Portimão (P), en plus de quelques succès en Championnat du Monde d’Endurance.

Cette année, dans leur catégorie, les Iron Dames ont obtenu cinq résultats dans le top 5 en sept courses, dont la troisième place à Portimão mi-avril et cette dernière victoire à Bahreïn. «Pour gagner, tout doit être parfait. Mais nous sommes des êtres humains, nous commettons des erreurs. Parfois, c’est le matériel qui fait défaut, d’autres fois, l’équipe ou les pilotes. Il n’est pas facile d’être en tête d’une compétition de haut niveau, d’autant que nos adversaires sont très bien entraînés», reconnaît-elle.

Des exemples qui fonctionnent

De tels succès encouragent les femmes à se lancer dans le sport automobile. Les Iron Dames sont très sollicitées: «Nous recevons beaucoup de demandes et de candidatures de filles et de jeunes femmes! Elles veulent travailler avec nous en sport automobile, que ce soit en tant que pilote, ingénieure ou mécanicienne», explique la Suissesse. «Dans ce sport, les femmes sont très demandées, pas seulement par les teams, mais aussi par les fédérations et les organisateurs». Mais dans le business du sport automobile, «la qualité prime sur la quantité», avertit la Soleuroise. Avant de continuer: «Il y a beaucoup de filles et de femmes qui ne sont pas encore prêtes. Elles ont besoin de temps, les investisseurs doivent donc être patients; sinon ce n’est que du gaspillage». Et Rahel Frey d’ajouter: «La passion est importante et indispensable dans le sport automobile. C’est doublement vrai pour les femmes. La passion implique aussi le renoncement. Sans passion, le sport automobile ne fonctionne pas. Sinon, ce n’est qu’une question de temps avant de rencontrer l’échec». Rahel Frey, elle, est une vraie passionnée. Elle est tombée amoureuse de la course automobile le jour où elle est pour la première fois montée dans un kart.

Evidemment, à l’époque, elle n’était encore qu’une jeune fille. Aujourd’hui, à 37 ans, sa carrière parle pour elle: «J’ai notamment été pilote d’usine pendant dix ans. Bien sûr, en tant que sportive, j’aurais souhaité profiter de programmes de promotion dédiés aux femmes. Néanmoins, je suis très fière de ce que j’ai accompli». Et son avenir est déjà sur les rails. La Soleuroise est cheffe de projet des Iron Dames et dès 2024, elle ne sera plus que sporadiquement pilote. «J’ai de belles perspectives d’avenir au sein de l’équipe. Les cinq prochaines années seront passionnantes; nous allons continuer à nous développer! Nous voulons encourager les filles et les femmes à piloter dès leur plus jeune âge.» Voilà qui promet une plus grande diversité des genres sur les grilles de départ à l’avenir. Et c’est une très bonne chose!