Jean-Claude Schertenleib | 21.12.2023
Rallye-Raid Trois équipages suisses seront au départ du Dakar 2024. Le plus compliqué depuis que l’épreuve a émigré en Arabie Saoudite.
Adulé, abhorré, bousculé – de l’Afrique originelle à l’Arabie Saoudite, en passant par l’Amérique du Sud –, le Dakar est toujours aussi attirant. Pour d’immenses structures officielles comme Audi, mais aussi pour des passionnés qui désirent y vivre l’histoire de leur vie, qui se piquent au jeu et ne demandent qu’à revenir une fois l’arrivée passée. Même si, quelques jours plus tôt, alors qu’ils pellaient pendant des heures, ils juraient leurs grands dieux que plus jamais on ne les y reprendrait.
Prenez Alexandre Pesci. Cet industriel installé à St-Sulpice (VD), après avoir soutenu un projet ambitieux – qui a fait beaucoup de bien, dans le clan suisse – en Championnat du Monde d’Endurance via sa marque horlogère Rebellion, décide de s’offrir une expérience différente. Cette fois, il sera au volant. À ses côtés, un copain de vieille date… qui est aussi son dentiste, Stephan Kühni. 43es en 2020, 53es en 2022, les deux hommes prennent goût à l’exercice, apprennent et repartent encore une fois début janvier, avec un Toyota Hilux préparé par la structure d’un Monsieur Fait-Tout du sport automobile, le Français Romain Dumas. Il y a quelques jours, le team «Rebellion Racing» testait l’engin dans le désert de Dubaï. Histoire de se remettre dans le bain. Enfin, dans le sable…
De Sadeleer: le miraculé de Portimão
Autre profil: l’automobile est ancrée dans l’ADN des De Sadeleer. Hugo a participé brillamment aux 24 Heures du Mans il y a quelques années et son aîné, Jérôme, a goûté à de nombreux championnats (vice-champion de Grande-Bretagne en Formule Radical en 2021), avant de découvrir le Dakar en 2022. Juste pour voir? «Je mentirais si je disais que finir serait déjà bien, nous allons aussi chercher la performance», disait-il alors. Et il va la trouver, la performance, même s’il va aussi rencontrer les pièges d’une épreuve (gros souci mécanique) qu’il finira au 22e rang dans la catégorie des SSV, agiles et rapides buggys du désert, après avoir régulièrement signé des top 10 en spéciales.
Las, en septembre de cette même année 2022, c’est le drame. Ou plutôt le miracle à Portimão (Por), lors de la finale de l’European Le Mans Cup en LMP3: un ralentissement soudain en raison de l’apparition de la voiture de sécurité, des pilotes qui hésitent, voilà De Sadeleer obligé d’éviter deux voitures. Le choc est terrible, sa Ligier JS P320 s’écrase contre le muret des stands, la course sera arrêtée au drapeau rouge: «Un choc de 30 g», explique Jérôme. «J’étais inscrit au Dakar 2023, mais physiquement, je n’étais pas prêt.» On le retrouve cette année en Asian Le Mans Series, toujours en LMP3, mais le Dakar reste en lui. Le voilà donc qui repart, avec le Français Michael Metge – un homme de grande expérience – à ses côtés. Son buggy, un Can-Am Maverick, est parfaitement préparé: «Nous serons compétitifs. L’expérience acquise en 2022 va m’aider. Le but? Gagner une étape et jouer le podium en SSV», reprend le natif de Gstaad. Le parcours 2024? «Des étapes marathon ont été ajoutées, soit des difficultés supplémentaires. En revanche, il y a aura plus d’étapes en boucle, donc moins de liaisons. Le plus pénible, ce ne sont pas les spéciales, mais bien ces liaisons qui relient l’arrivée d’un secteur chronométré au bivouac.»
Goumaz, l’agriculteur de Choulex
Troisième participant romand, troisième profil: Cédric Goumaz a 40 ans, il est agriculteur à Choulex, dans la campagne genevoise. Signe particulier: le Dakar 2024 sera son premier rallye-raid, qu’il va affronter au volant d’un buggy MD Optimus de 450 ch: «J’ai toujours été passionné de sport auto. Il y a une quinzaine d’années, je me suis offert plusieurs journées sur circuits, puis j’ai découvert la série «Midget», j’y ai rencontré Yvan Muller (quadruple Champion du Monde de Tourisme), nous avons ensemble posé les bases du team M-Racing, la structure d’Yvan. Mais j’avais mon métier, qui a toujours eu la priorité», explique Cédric Goumaz.
Il y avait son métier, il y avait aussi son rêve: le Dakar. «Comme beaucoup de gens de ma génération, quand j’étais gosse, je ne ratais pas les images du rallye, le soir à la télévision. Oui, c’était un rêve et ça l’est toujours. Après avoir perdu mon papa, j’ai compris que les rêves étaient aussi là pour être réalisés», reprend le Genevois. Qui, dans sa campagne, rencontre un jour par hasard Rémy Vauthier, qui avait participé à l’épreuve en 2019 et 2020: «Il cherchait un endroit pour y déposer une remorque quelques mois. Quand il m’a sorti le mot magique, «Dakar», l’affaire était conclue.» Et Goumaz de suivre les traces de son aîné: «J’ai une double particularité: je suis non seulement un «rookie» (débutant) du Dakar, je suis aussi un «rookie» du rallye-raid. Oh, je sais, ce n’est pas très bien de prendre le départ d’une telle épreuve sans la moindre expérience, mais c’est une chance unique. Je préfère tenter l’aventure et être heureux quoiqu’il puisse m’arriver, plutôt que de participer à d’autres épreuves moins musclées pour apprendre et comprendre, alors, qu’il n’y aura jamais de Dakar pour moi.»
Photos: Privées De Sadeleer, Goumaz, Dumas