L’ombre de grand-papa

Jean-Claude Schertenleib | 02.05.2024

ADAC GT Masters Le Fribourgeois Grégory de Sybourg est le petit-fils de l’inoubliable Jo Siffert. Jusqu’à cette année, il a été fort discret sur ce lien de parenté. Il explique pourquoi.

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À 20 ans, Grégory de Sybourg passe un cap, en ADAC GT Masters, avec BMW.

Il y a des détails qui ne trompent pas. D’abord, quelque chose dans le regard. Puis, la croix suisse sur un casque qu’il n’a volontairement pas voulu de couleur rouge: Grégory de Sybourg est le petit-fils d’une légende du sport automobile, Jo «Seppi» Siffert. «Jusqu’à cette année, ce glorieux lien de parenté n’a pas impacté ma carrière. L’idée première était de construire quelque chose sous mon propre nom, avant de faire savoir que j’étais le petit-fils de… Et c’est ce qu’on a fait. Désormais, parce que ces deux dernières saisons ont été positives et que je me lance dans une nouvelle compétition allemande, l’ADAC GT Masters, nous avons souhaité rappeler ce lien. Parce que si grand-papa était très populaire sur l’ensemble du territoire helvétique, bien sûr, il l’était aussi en Allemagne… notamment chez BMW pour qui il a couru en F2», explique Grégory.

Un mythe vivant

Le Fribourgeois, 20 ans depuis janvier dernier, impressionne par son calme, par sa maturité dans l’analyse: «Comme je ne porte pas le nom de famille de grand-papa, cette succession a peut-être été plus facile à digérer. Quand grand-papa s’est tué, maman avait deux ans. Même si, à la maison, on ne parlait pas toujours de cela, je me souviens que, dès mon plus jeune âge, j’ai appris à le connaître. Son casque, des tableaux, des photos, des articles de journaux, un important courrier et, tous les 24 octobre (ndlr: date de l’accident, c’était en 1971, à Brands Hatch), ces fans qui viennent se recueillir sur sa tombe, tout cela marque et je crois que ma première véritable prise de conscience de ce qu’il était date de mes 7 ans», poursuit Grégory de Sybourg.

Mais rien ne dit alors que le petit-fils va devenir pilote: «À cet âge, on s’intéresse bien sûr aux passions de ses parents: cela peut être le football, le hockey sur glace. Pour papa, c’était l’aviation. Alors moi, je regardais toujours le ciel et je me rappelle qu’un jour maman a dit: ‹Non, quand on a du sang de Siffert, on regarde le bitume!›» Véronique, la maman de Grégory a d’ailleurs participé à huit reprises au Rallye des Gazelles, une épreuve féminine qui se déroule dans le sable marocain: «La passion a toujours été présente dans la famille. Piloter une voiture de course, c’était aussi un rêve de gosse de papa, mais il n’avait pas suffisamment d’argent pour passer le cap.»

Du proto au GT

Après le karting, Grégory de Sybourg passe par la Finyo Sprint Cup, une barquette de type sport-proto propulsée par le moteur de la Peugeot 308 GTI, un 1,6-litres qui développe quelque 270 ch, dans une voiture qui ne pèse que 670 kg. L’exercice est réussi, puisque sur 24 courses, Grégory de Sybourg monte à six reprises sur le podium, dont une fois sur la plus haute marche. L’an dernier, en Ultimate Cup, il brille avec son équipière fribourgeoise Karen Gaillard, avec quatre nouveaux podiums et un titre de vice-champion de la catégorie. Tout cela grâce notamment au soutien du groupe Dimab, un très important concessionnaire BMW de Suisse romande.

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Le Fribourgeois Grégory de Sybourg est le petit-fils de Jo Siffert.

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Une croix blanche sur le devant du casque: la signature Siffert sous d’autres couleurs.

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En perdant la vie, «Seppi» Siffert est devenu un mythe qui perdure depuis plus de 50 ans.

Dans les coulisses, Benoît Morand chapeaute la carrière de Grégory. Ancien pilote, il fut le chef de plusieurs projets futuristes, notamment le premier proto hybride pour Le Mans, bien avant les LMP1 et Hypercars. Parce que la filière monoplace est un puits sans fond – il faut énormément d’argent dès le début! –, Grégory emprunte cette année le virage vers le GT, avec bien sûr des rêves de 24 Heures du Mans, cette course que grand-papa Jo n’a jamais remportée, mais dont il était chaque année un brillant animateur. Il roule ainsi en ADAC GT Master, un championnat qui a commencé le week-end dernier à Oschersleben (D) et où le Fribourgeois a piloté une BMW M4 GT3 du team FK Performance, lequel représente l’usine allemande: «Comme j’ai commencé le karting sur le tard, il était illusoire d’espérer percer en monoplace; dès lors, mon apprentissage s’est fait en proto et, aujourd’hui, me voilà en GT, où s’inscrivent de plus en plus de constructeurs», reprend le Fribourgeois. Qui termine cette année sa formation de mécatronicien automobile et qui s’offrira ensuite une année sabbatique entièrement consacrée à sa carrière sportive: «Dans la région fribourgeoise, la passion pour les sports mécaniques est toujours vive, nous avons créé un Club VIP qui compte déjà 50 membres», précise Benoit Morand.

En pleine progression

Avant l’ouverture du championnat du week-end dernier (lire résultats en page 22), Grégory de Sybourg a eu droit à trois jours de découverte au volant de sa BMW M4 GT3: «D’abord à Oschersleben où c’était bien, mais sans plus, puis à Hockenheim, où l’on a constaté une grosse progression», confie Morand. «C’est une voiture plus lourde et plus large que tout ce que j’ai connu à ce jour. Lors de ces premiers tests, c’est le système ABS qui m’a posé le plus de problèmes, parce qu’il faut l’utiliser correctement. Les sensations générales? C’est une voiture que l’on sent travailler, elle transmet beaucoup d’informations au pilote», conclut Grégory.

Le voilà donc lancé dans un nouveau défi. Jusqu’où ira-t-il? D’où il se trouve, grand-papa doit suivre tout cela avec attention. 

Photos: ADAC, Archive Jicé

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