Grand Prix du Japon Alors que le Champion du Monde Max Verstappen remportait avec brio le GP du Japon au volant de sa Red Bull-Honda, le duo franco-français de chez Alpine dépérissait en queue de peloton. Les rumeurs de vente de l’équipe vont bon train.
Au pays du néant, les adversaires d’Alpine (ici Pierre Gasly) sont Haas et Sauber.
L’Américain Otmar Szafnauer a dû repartir satisfait de
Suzuka. Et pour cause, l’ex-manager de l’écurie Alpine F1 – il avait été
licencié le week-end du GP de Belgique –, a vu ses impressions se
confirmer au Japon. Lorsqu’il avait été contraint de partir, la
situation n’était déjà pas très bonne, mais tout s’est depuis lors
envenimé. Un véritable cauchemar pour Alpine: Esteban Ocon a terminé la
quatrième manche du Championnat du Monde à la 15e place, son compatriote
Pierre Gasly à la 16e. Parmi ceux qui ont franchi la ligne d’arrivée,
seul Logan Sargeant (Williams-Mercedes) s’est classé derrière eux; et
encore, parce que l’Américain a fait une promenade dans le bac à gravier
au 40e des 53 tours, alors qu’il devançait le duo tricolore.
Pire, pour compléter le nouveau désastre français, on a
vu les deux pilotes Alpine se toucher juste après le redémarrage de ce
GP du Japon (deuxième départ en raison de la collision survenue entre
Daniel Ricciardo et Alex Albon), leurs voitures souffrant toutes les
deux de ce nouvel épisode du duel que se livrent Gasly et Ocon. Lesquels
n’ont jamais pu se souffrir. Malheureusement, aucune amélioration n’est
en vue chez Alpine. Et qui sait si l’écurie existera encore sous cette
forme à la fin de la saison?
Manque d’harmonie
L’histoire se répète une énième fois: des stratèges du
groupe – en l’occurrence à Paris –, qui s’imaginent un bel avenir dans
le sport automobile et pensent qu’une écurie de course peut être gérée
comme n’importe quel département technique. Dans le cas particulier de
la filiale sportive de Renault s’ajoute encore une lutte culturelle.
C’est un secret de Polichinelle que l’équipe technique britannique
d’Enstone (où est installé le team) ne s’entend pas avec le pouvoir en
place en France. Résultat? Esteban Ocon l’a décrit à Suzuka de manière
aussi simple que démoralisante: «Nous ne sommes tout simplement pas
assez rapides par rapport aux autres du milieu du peloton.» Oublié le
(bref) moment de jubilation du samedi après-midi, lorsqu’il avait
atteint la deuxième phase des qualifications. De quoi, d’ailleurs,
donner à tous matière à réflexion: des cris d’extase parce qu’on n’a pas
été éliminé du premier coup dans la chasse contre le chrono? Ce n’est
tout simplement pas possible. Alpine est la pire des équipes d’usine.
Zéro point, comme les «privés» que sont Sauber et Williams.
Pilotes déçus: Pierre Gasly (à g.)…
…et Esteban Ocon ne sont pas amis, mais ils doivent désormais travailler ensemble
Bruno Famin,
le gouverneur du groupe promu à la tête de l’équipe ad interim, ne peut
que reconnaître le déficit de vitesse important de ses bolides par
rapport à la concurrence: la voiture doit s’améliorer dans tous les
domaines. Et la question est de savoir comment y parvenir en cours de
saison avec une équipe déstabilisée. Avant le début du championnat, le
technicien en chef Matt Harman et le chef de l’aérodynamique, Dirk de
Beer, sont partis; puis Bob Bell a été transféré chez Aston Martin. Eux
non plus ne voyaient plus de perspective d’avenir avec les «bleus».
Alpine F1 a ainsi perdu quasi toute sa direction technique en l’espace
de trois trimestres. Et ailleurs, trop peu de choses changent. À
l’époque où l’équipe s’appelait encore Benetton, l’usine installée près
d’Oxford était considérée comme à la pointe de la technologie;
aujourd’hui, beaucoup d’éléments ont besoin d être sérieusement révisés.
Rumeurs de vente
Les rumeurs selon lesquelles cette écurie déjà
co-financée par de nombreuses personnalités du sport pourrait être
vendue dans son intégralité se font de plus en plus vives. Le patron de
Renault, Luca de Meo, qui est par ailleurs un manager passionné de sport
automobile, va devoir prendre des décisions importantes. Lors du GP
d’Arabie Saoudite, l’Italien s’est rendu compte par lui-même de la
situation, constatant une seule défaillance technique: la boîte de
vitesses de Gasly est tombée en panne… dès le premier tour! Espérer une
amélioration de la situation avec le nouveau règlement moteur 2026
signifierait trois quarts d’année de souffrance supplémentaire. D’autant
plus que les moteurs de Viry-Chatillon ne sont pas connus pour leurs
performances et que Renault est le seul fabricant à ne pas avoir de team
«client» en Formule 1.
Dans un premier temps, on a fait ce que les grands
groupes font toujours quand cela ne va pas: des restructurations.
Désormais, trois personnes sont responsables de la direction du
département technique. Allégement, agilité, promotion de la relève: les
arguments habituels. Famin ne travaille plus à Viry, mais à Enstone.
Mais ces changements ne changent rien au fait que la A 524 est
considérée comme trop lourde et que son moteur, avec un déficit de
puissance à deux chiffres, est trop faible. Il en résulte un manque de
vitesse. En outre, la voiture génère trop de résistance à l’air et offre
trop peu d’appui. Famin a parlé d’un véritable «choc» après le début de
la saison. D’autant plus que dans un peloton aussi serré que celui de
cette saison, les problèmes se font encore plus sentir. D’ici la course
de Miami, une mise à niveau est prévue, mais le règlement actuel ne
permet d’améliorer le moteur que par une modification de la gestion de
l’énergie. Il reste donc à travailler avant tout sur l’efficacité
aérodynamique. Gasly résume la situation: «L’année dernière, à la même
époque, je me battais encore avec Carlos Sainz pour la quatrième place.
Cette année, il gagne des courses et je roule au-delà du top 10.»
Luca de Meo (au centre): le patron de Renault va devoir prendre des décisions.
Bruno Famin (à droite): le team manager doit faire face à de nombreuses questions.
Photos: Alpine, Sauber, Red Bull
Résultats
Grand Prix du Japon
Suzuka,
4e manche (sur 24) du Championnat du Monde de Formule 1: 1. Max
Verstappen (NL), Red Bull-Honda, 53 tours de 5,807 km (=307,471 km) en
1h54’23’’566 (=161,271 km/h). 2. Sergio Pérez (MEX), Red Bull-Honda,
+12’’535. 3. Carlos Sainz (E), Ferrari, +20’’866. 4. Charles Leclerc
(MC), Ferrari, +26’’522. 5. Lando Norris (GB), McLaren-Mercedes,
+29’’700. 6. Fernando Alonso (E), Aston Martin-Mercedes, +44’’272. 7.
George Russell (GB), Mercedes, +45’’951. 8. Oscar Piastri (AUS),
McLaren-Mercedes, +47’’525. 9. Lewis Hamilton (GB), Mercedes, +48’’626.
10. Yuki Tsunoda (J), Racing Bulls-Honda, +1 tour. 11. Nico Hülkenberg
(D), Haas-Ferrari, +1 tr. 12. Lance Stroll (CDN), Aston Martin-Mercedes,
+1 tr. 13. Kevin Magnussen (DK), Haas-Ferrari +1 tr. 14. Valtteri
Bottas (FIN), Sauber-Ferrari, +1 tr. 15. Esteban Ocon (F),
Alpine-Renault, +1 tr. 16. Pierre Gasly (F), Alpine-Renault, +1 tr. 17.
Logan Sargeant (USA), Williams-Mercedes, +1 tr. – Abandons: Guanyu Zhou
(CHN), Sauber-Ferrari (12e tour, boîte de vitesses); Daniel Ricciardo
(AUS), Racing Bulls-Honda (1er, accident); Alexander Albon (T),
Williams-Mercedes (1er, accident). – 20 pilotes au départ, 17 classés. –
Tour le plus rapide (+1 point): Verstappen, 50e, 1’33’’706 (=223,093 km/h). – Pole position:
Verstappen en 1’28’’197 (=237,028 km/h). – Note: course interrompue
après l’accident Ricciardo/Albon, peu après le départ; un second départ a
été donné.
Classement général. –
Pilotes: 1. Verstappen, 77 points (3 victoires). 2. Pérez 64. 3.
Leclerc 59. 4. Sainz 55 (1). 5. Norris 37. 6. Piastri 32. 7. Russell 24.
8. Alonso 24. 9. Hamilton 10. 10. Stroll 9. 11. Tsunoda 7. 12. Oliver
Bearman (GB), Ferrari, 6. 13. Hülkenberg 3. 14. Magnussen 1. –
Constructeurs: 1. Red Bull-Honda 141 (3). 2. Ferrari 120 (1). 3.
McLaren-Mercedes 69. 4. Mercedes 34. 5. Aston Martin-Mercedes 33. 6.
Racing Bulls-Honda 7. Haas-Ferrari 4.
Prochaine manche: Grand Prix de Chine à Shanghai, 19 avril 2024, 9h00.
Les statistiques de Sauber
Valtteri Bottas
14e (neuvième course de suite sans le moindre point, série commencée au
Qatar, en 2023). – Meilleure place en course: 11e (5e, 18e–22e tours). –
Qualification: 13e.
Guanyu Zhou
(photo)
Abandon (12e tour, boîte de vitesses; neuvième course de suite sans le
moindre point). – Meilleure place en course: 16e (3e–7e tours). –
Qualification: 20e (lors des 4 derniers GP, deux fois le moins bien
placé). – Particularité: pilote le plus lent dans les trois secteurs du
circuit de Suzuka.