Jean-Claude Schertenleib | 18.04.2024
Ouverture Le Championnat de Suisse commence ce week-end avec le traditionnel Critérium Jurassien. Et avec son lot d’interrogations.
Daniel Lenglet, le président du comité d’organisation
du Critérium Jurassien, 45e du nom, respire: 83 équipages sont inscrits
pour l’ouverture, vendredi et samedi, du Championnat de Suisse, dont 57
dans la catégorie des «modernes»: «Il y en avait 48 l’an dernier. Pour
nous, c’est satisfaisant», constate l’organisateur. Reste qu’on est loin
des plateaux d’autrefois. Le double Champion de Suisse en titre
Jonathan Hrschi a fait ses valises direction le très relevé Championnat
de France sur asphalte; son dauphin Jonathan Michellod fait l’impasse
sur le Critérium. Dans le même temps, ils sont régulièrement plus de 150
en Championnat de France régional; idem en Italie, où l’on propose des
«petits rallyes»: «C’est un vrai sujet de réflexion. Il y a longtemps
qu’on ne peut plus se battre pour la victoire en bricolant une voiture
avec une équipe de copains. Pour jouer devant, il faut louer; et dans la
plupart des cas, les tarifs sont calculés au kilomètre d’épreuves
spéciales (ndlr: 140 km pour le Critérium Jurassien, contre 40 km pour
le récent rallye régional de Franche-Comté où plusieurs équipages
suisses étaient de la partie). D’où le succès de ces rondes: deux ou
trois ES courtes à parcourir deux ou trois fois, une journée pour la
partie administrative, une autre pour la course. Pour l’organisation,
c’est aussi moins pesant», reprend Lenglet.
«J’aime les nostalgiques. Mais…»
Le Valaisan Mike Coppens a une autre vision des choses:
«J’aime les nostalgiques, mais quand on parle du nombre d’inscrits en
France, on oublie que la population y est dix fois plus importante que
chez nous. En Suisse, à l’époque, il y avait certes parfois 80 ou 100
voitures au départ (ndlr: on ne parlait pas encore de «modernes» et de
VHC, tout le monde se retrouvait dans le même classement); mais après le
passage des dix premiers, le spectateur allait voir ailleurs.
Aujourd’hui, le niveau technique général est beaucoup plus élevé.» Les
coûts? «C’est aussi un faux procès. Quand mon copain Philippe Roux
louait une voiture «pour la gagne» au Valais, cela coûtait plus cher que
ce que nous coûte une R5 aujourd’hui. Après, il est vrai que les temps
changent, les priorités aussi. Mais je le répète: si je me retrouve
aujourd’hui au bord de la route pour assister à un rallye, je reste
jusqu’au bout parce que même la dernière voiture, est une vraie voiture
de course.»
Donc, ce championnat, on part pour le disputer dans son
ensemble, Mike Coppens? «Mon programme à l’heure actuelle, c’est avant
tout de trouver des sous. Dès lors, je ne vais pas affirmer aujourd’hui
que je serai au départ de chacune des manches et devoir me rétracter
après deux courses. Ce qui est sûr, quoiqu’il puisse arriver, c’est que
je ferai le Valais. Car j’ai un compte à régler avec ce rallye depuis
l’an dernier.»
«Papa» Michellod absent
Vice-champion de Suisse en 2024, un autre Valaisan,
Jonathan Michellod, devrait être au Chablais et au Valais. Pourquoi un
programme aussi limité? «Pour plusieurs raisons. La première et la plus
importante: je suis devenu papa au commencement de la semaine! Ensuite,
comme je suis indépendant, j’ai vu l’an dernier qu’il était très
compliqué d’assumer parallèlement mes responsabilités professionnelles
et de participer à l’entier du championnat; je ne me sens pas prêt à
revivre cela une seconde fois. Et puis, il y a également la question
financière. D’une façon plus générale, si l’on constate une baisse du
nombre de participants, c’est peut-être aussi parce que les règlements,
en Suisse, sont extrêmement sévères et qu’ils ne cessent de changer;
cela impacte énormément – particulièrement sur le plan économique – les
plus «petites» catégories. On parle de plus en plus des rallyes
régionaux, en France, mais il faut savoir que sur les parfois 180
équipages inscrits, près de 150 s’alignent avec des voitures qui ne sont
plus depuis longtemps acceptées chez nous.»
La France, c’est là que s’est exilé cette année le
double Champion de Suisse en titre, Jonathan Hirschi, inscrit dans cinq
des neufs rallyes comptant pour le Championnat asphalte de première
division. «Le plus relevé au monde pour ce type de terrain» estime
notamment Malcolm Wilson, le patron de M-Sport qui y loue plusieurs
voitures: «Le niveau y est extraordinairement élevé», confirme le
Neuchâtelois, onzième de l’ouverture de la saison, au Touquet.
«C’est le plus beau.»
«Cette
semaine, c’est le Lyon-Charbonnières. Même si c’est proche
géographiquement, c’est un sacré investissement en temps. J’ai encore pu
travailler lundi et je suis parti mardi pour les reconnaissances. Cette
année, je suis dans la peau d’un apprenti. Au Touquet, dans des
conditions dantesques – il avait beaucoup plu la nuit avant le départ –,
je me suis retrouvé dans la première boucle avec une route où il y
avait presque autant de terre que dans les champs avoisinants! Lors des
seconds passages, j’étais déjà moins ridicule, mais je sais qu’il faut
du temps.» Au programme d’Hirschi, cinq des neuf manches de ce
prestigieux championnat: «Plus le Valais, parce que c’est le plus beau.»
Dès lors, quel favori pour le Critérium de ce week-end?
«Michael Burri, c’est son truc», affirme immédiatement Mike Coppens.
Qui aime aussi le Jura. Même si… «Je suis super bien sur certaines
spéciales, mais sur d’autres, j’ai l’impression d’être totalement
perdu.»
Photos: IDD, Ludovic Carnal