Relève Auparavant, les jeunes espoirs helvétiques rêvaient de Formule 1. Mais l’intérêt des constructeurs pour l’endurance a changé la donne...
Acquérir une première expérience en prototype: Julien Apothéloz (avant) en 2023 dans un bolide LMP3.
Les monoplaces sont mortes, vive les prototypes! Bon
okay, la Formule 1 est loin d’être enterrée; bien au contraire, elle
semble bien en forme. Il n’empêche, le chemin menant de la Formule 4 à
la Formule 2 étant long, semé d’embûches, très cher et ne garantissant
en rien l’accès à la catégorie reine, les jeunes pilotes sont de moins
en moins nombreux à persévérer en monoplace. En revanche, les différents
championnats d’endurance sont devenus de plus en plus alléchants pour
les espoirs. Aussi parce que les constructeurs automobiles sont toujours
plus nombreux à s’y bousculer. L’avantage? Il y a en endurance bien
plus de baquets professionnels (entendre par là: des emplois rémunérés) à
pourvoir qu’en Formule 1.
Plus de 30 Suisses
En Europe, les «European Le Mans Series» (ELMS)
constituent depuis 2004 le tremplin traditionnel pour accéder au
Championnat du Monde d’Endurance (WEC), voire à son équivalent
américain, l’IMSA. Depuis 2009, les «Asian Le Mans Series» représentent
l’équivalent de l’ELMS. Ces dix dernières années, la «Le Mans Cup»
(depuis 2016), l’«Ultimate Cup Serie» (depuis 2019) et la «Prototype Cup
Germany» (depuis 2022) sont venues s’ajouter à cette liste toujours
plus longue. Outre les catégories F4 et GT4, les «Winter Series»
comptent désormais également des prototypes (LMP3) à leur programme.
Dans l’ensemble de ces championnats, le petit pays qu’est la Suisse
dénombre plus de 30 pilotes (lire ci-contre)!
Acquérir une première expérience en prototype : Samir Ben en 2023 dans un bolide LMP3.
Acquérir une première expérience en prototype: Elia Sperandio en 2023 dans un bolide LMP3.
Après les Champions du Monde Sébastien Buemi (2014,
2019, 2022, 2023) et Neel Jani (2016), Louis Delétraz, double vainqueur
du classement général de l’«European Le Mans Series» (2021, 2022) et
désormais candidat au titre dans la catégorie reine de l’IMSA, sans
oublier de brillants gentlemen drivers comme Jérôme de Sadeleer ou
Pieder Decurtins, les jeunes Suisses sont nombreux à tenter l’aventure.
Parmi eux figure Julien Apothéloz. Ce Zurichois de 23 ans a piloté des
kartings et des GT avant de passer, en 2023, au premier niveau de la
discipline, la «Prototype Cup Germany». Le Bernois Samir Ben, 18 ans, a
eu son premier contact avec des protos l’an dernier, après des années de
karting et de monoplace, via les «Ultimate Cup Series» et la «Le Mans
Cup». De son côté, le Saint-Gallois Elia Sperandio, également âgé de 18
ans et entre autres quadruple Champion de Suisse de Karting, a rejoint
la «Prototype Cup Germany», après être passé par la Formule 4.
Question de budget
Samir Ben évolue cette année encore en prototype. Avec
son compatriote Pieder Decurtins, il pilote une LMP3 en «Le Mans Cup»
pour le compte de l’écurie suisse Haegeli by T2 Racing. «Je ne me suis
jamais concentré uniquement sur les monoplaces, pour des raisons
évidentes de budget. Certes, une saison en LMP3 coûte aussi beaucoup
d’argent, mais dans une série comme la nôtre, les coûts sont répartis
entre deux pilotes. Pieder a fait des pieds et des mains pour que je le
rejoigne et son intérêt m’aide beaucoup.» Elia Sperandio, lui, a été
plus malchanceux. Il a aussi eu des contacts avec l’équipe Haegeli et
Decurtins en vue de cette saison 2024, «mais finalement, cet engagement,
tout comme ceux avec d’autres équipes ont échoué pour des questions
d’argent.» Sperandio a goûté à la Formule 4 avant d’arriver en protos:
«Un mécanicien m’avait invité à des essais en vue de la saison 2023.
Comme j’étais rapide, j’ai pu en faire un second», dit-il. En «Prototype
Cup Germany», le Saint-Gallois avait partagé le cockpit d’une
Ligier-LMP3, puis d’une Duqueine-LMP3, avec pas moins de trois pilotes
différents. Or on le sait, piloter des voitures différentes avec
plusieurs personnes ne constituent pas un avantage à l’heure de faire
ses preuves car les compromis sont dès lors obligatoires.
Après avoir arrêté le karting, Julien Apothéloz (à gauche) a participé à l’ADAC TCR Germany.
Après avoir arrêté le karting, Julien Apothéloz a participé à l’ADAC TCR Germany.
L’année dernière, Julien Apothéloz s’est lui aussi
attaqué aux prototypes. Après avoir passé sa jeunesse en karting, le
Zurichois s’est attaqué au TCR et aux GT. «La catégorie GT3 m’intéresse,
mais elle aussi exige des budgets toujours plus conséquents. Le GT3 est
en plein boom, puisque ces voitures remplacent, en Championnat du Monde
d’Endurance, l’ancienne et coûteuse catégorie GTE. En DTM (championnat
d’Allemagne), les GT3 ont succédé aux très chères voitures de la classe 1
en 2021. Cela dit, avec la popularité croissante des GT3 et
l’augmentation du nombre de constructeurs, les coûts ont tendance à
augmenter, notamment parce qu’il faut investir toujours plus dans les
tests et le développement», explique Apothéloz. Qui ne renonce pas pour
autant à cette catégorie, lui qui aimerait bien participer cette année
encore à des classiques de l’endurance, comme les 24 Heures de
Spa-Francorchamps et du Nürburgring. «Mais désormais, l’accent est mis
sur les prototypes» ajoute Apothéloz qui a annoncé durant le week-end de
Pâques qu’il participerait cette année à sa deuxième saison de
«Prototype Cup Germany» au sein de l’équipe allemande Mücke. Lors de sa
première saison, il avait gagné deux courses, pour terminer deuxième du
championnat.
Samir Ben a piloté en Formule 4 en 2021, engagé sous les couleurs de l’équipe bernoise Jenzer.
Samir Ben a piloté en Formule 4 en 2021, engagé sous les couleurs de l’équipe bernoise Jenzer.
Apothéloz, Ben et Sperandio s’entendent sur un point:
en endurance, les budgets restent – mais pour combien de temps encore? –
raisonnables. Tous ont pour objectif de décrocher un jour un contrat
avec une équipe d’usine. La Suisse a un passé glorieux en matière de
prototypes et de courses d’endurance. Du légendaire Jo Siffert, entre
autres vainqueur de Sebring en 1968, aux titres de Champions du Monde de
Brun Motorsport (1986) et de Sauber Motorsport (1989 et 1990), en
passant par les récents succès de Marcel Fässler (2012), Neel Jani et
Sébastien Buemi, la Suisse est une place forte dans la discipline. Et
cette tradition se poursuit. Cette saison, en Championnat du Monde
d’Endurance, cinq Helvètes – Buemi (Toyota), Jani (Porsche), Nico Müller
(Peugeot), Edoardo Mortara (Lamborghini) et Raffaele Marciello (BMW) –
ont décroché un cockpit d’usine au sein de la plus haute catégorie du
championnat, autrement dit la catégorie en Hypercar. Quant à Louis
Delétraz (Acura/Honda) et Romain Grosjean (Lamborghini), ils pilotent
sous contrat en IMSA, l’équivalent nord-américain du Championnat du
Monde.
Participer au Mans
Qu’ils soient suisses ou non, les espoirs ont désormais
plus de chance de décrocher un volant en Hypercar qu’en Formule 1.
«L’endurance, avec ses superbes prototypes, a vraiment le vent en poupe.
Les constructeurs viennent en masse, ce qui rend la discipline très
intéressante pour nous autres, les pilotes», réaffirme Julien Apothéloz:
«Oui, avoir le privilège de piloter un jour une Hypercar en Championnat
du Monde d’Endurance est mon objectif ultime. Et le championnat
américain IMSA profite également d’une sacrée tradition! Je suis tout
simplement fasciné par cette discipline.» Samir Ben abonde dans le même
sens: «Je suis vraiment content d’avoir pu m’intéresser à d’autres
séries que celles qui doivent – en théorie, tout au moins – mener à la
Formule 1.»
Cette fascination pour l’endurance provient sans doute
de la course la plus mythique du monde: les 24 Heures du Mans. «Y
prendre le départ, c’est mon grand rêve», déclare Apothéloz. «Cette
classique, c’est mon objectif», s’enthousiasme Ben, qui roulera sur le
mythique circuit à la mi-juin dans le cadre de la «Le Mans Cup»: «La
course ‹Road to Le Mans› se déroulera dans le cadre des 24 Heures,
l’ambiance s’annonce excellente.» Une sacrée perspective.
Quadruple Champion de Suisse de karting, Elia Sperandio a goûté à la F4 en 2022, avec le team Maffi.
Quadruple Champion de Suisse de karting, Elia Sperandio a goûté à la F4 en 2022, avec le team Maffi.
Photos: WEC, IMSA, Cool Racing, ADAC
Les pilotes (& les teams) suisses en proto
Championnat du Monde Endurance (WEC, photo)
Voitures:
LMH (Le Mans Hypercar), voitures développées pas les marques; LMDh (Le
Mans Daytona Hybrid), plusieurs constructeurs proposent des châssis,
système hybride commun. La BoP (Balance of Performances) tente
d’équilibrer les chances entre les acteurs; elle est modifiée plusieurs
fois par saison.
Voitures:
LMDh, LMH, LMP2 (Le Mans Prototype 2), châssis Oreca, Ligier, Dallara
ou Riley/Multimac, moteur unique Gibson (V8 atmosphérique de 4,2
litres).
Pilotes suisses 2023/24: Louis Delétraz (Acura), Neel Jani (Porsche), Romain Grosjean (Lamborghini).
European Le Mans Series (ELMS)
Voitures:
LMP2 et LMP3 (Le Mans Prototype 3), châssis Ligier, Duqueine, Ginetta
et Adess, moteur monotype Nissan (V8 atmosphérique de 5,6 litres).
Pilotes suisses 2023/24:
Louis Delétraz, Neel Jani, Fabio Scherer, Mathias Beche, Grégoire
Saucy, Alexandre Coigny, Cédric Oltramare, Matthias Kaiser. – Teams suisses 2023/24: Cool Racing, Racing Spirit of Léman.
Asian Le Mans Series (ALMS)
Voitures: LMP2 et LMP3.
Pilotes suisses 2023/24: Louis Delétraz, Mathias Beche, Alexandre Coigny. – Teams suisses 2023/24: Cool Racing.
Le Mans Cup
Voitures: LMP3.
Pilotes suisses 2023/24:
Jonathan Brossard, Sébastien Page, Samir Ben, Jérôme de Sadeleer,
Pieder Decurtins, Cédric Oltramare, David Droux, Luis Sanjuan. – Teams suisses 2023/24: Cool Racing, Racing Spirit of Léman, Haegeli by T2 Racing.
Prototype Cup Germany
Voitures: LMP3.
Pilotes suisses 2023/24: Julien Apothéloz, Elia Sperandio, Lucas Mauron.
Ultimate Cup Series
Voitures: LMP3.
Pilotes suisses 2023/24:
Mathias Beche, Nicolas Maulini, Axel Gnos, Samir Ben, Loris Kyburz,
Luis Sanjuan, Elia Sperandio, Stephan Rupp, Grégory de Sybourg, Karen
Gaillard, Danny Buntschu, Sacha Clavadetscher, Mike Fenzi, Ivan
Ruggiero, Philipp Schlegel. – Teams suisses 2023/24: Racing Spirit of Léman, T2 Racing, Dimab Motorsport.