Prise de risque

Olivier Derard | 25.04.2024

Electrique Porsche prend un risque (mesuré) en déclinant son best-seller de Macan dans une version toute électrique, l’un des premiers à disposer de la nouvelle plateforme PPE.

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Le tempérament du Macan est à l’image de son style: sportif... malgré son poids de 2,4 tonnes!

Il s’en est fallu de peu; avec 87 355 exemplaires, le Macan est arrivé juste derrière le Cayenne, qui est donc, avec ses 87 553 unités (soit à peine 198 exemplaires supplémentaires), la Porche la plus vendue en 2023 à travers le globe. Tout de même, le petit SUV reste un modèle de première importance pour Porsche, qui n’a pourtant pas hésité à prendre un gros risque à l’heure de décliner sa seconde génération: le transformer en véhicule tout électrique.

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Le style et la forme des phares avant sont une allusion directe à la Taycan. L’aéro­dynamique a été particulièrement travaillée.

Le nouveau Macan de seconde génération est effectivement la première Porsche – et plus globalement le premier véhicule du groupe Volkswagen, à égalité avec l’Audi Q6 e-tron – à profiter de la nouvelle Premium Platform Electric (PPE), un châssis né d’une collaboration entre Audi et Porsche et doté d’une architecture 800 volts. Cette nouvelle structure a recours à des machines synchrones à aimants permanents de dernière génération. Lesquelles sont mécaniquement différentes en fonction du véhicule sur lequel elles sont installées (davantage de détails en pages 14 & 15). Le Macan 4 développe une puissance continue de 285 kW (387 ch) et le Macan Turbo 430 kW (584 ch). Launch Control enclenché, il est possible de pousser temporairement ces valeurs, jusqu’à 300 kW (408 ch) dans le Macan 4 et jusqu’à 470 kW (639 ch) dans le Macan Turbo. Le couple maximal est respectivement de 650 et 1130 Nm!

Jusqu’à 600 km théoriques

Ces machines profitent d’un rendement élevé comme l’attestent les valeurs théoriques communiquées par l’usine, la consommation étant donnée pour 17,9 kWh/100 km pour le Macan 4 et 18,8 kWh/100 km pour le Macan Turbo. La batterie, commune aux deux modèles, disposant d’une capacité nette de 95 kWh, l’autonomie théorique du Macan 4 est donnée pour 613 km, celle du Turbo pour 591 km. Une fois les batteries vides, il conviendra de rallier la borne de recharge. La puissance pourra y atteindre 270 kW en courant continu, de quoi passer de 10 à 80 % de batterie en 21 minutes. La recharge en courant alternatif, réalisée à une puissance de 11 kW, dure une dizaine d’heures.

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Esthétiquement, le Macan est 5,8 cm plus long (soit 4,78 m) que le modèle qu’il remplace, 1,1 cm plus large (1,94 m), et 1,6 cm plus haut (1,62 m). Le gain au niveau de son empattement est encore plus marqué puisqu’il est de 8,6 cm (2,89 m), ce qui profite à son habitabilité – nous y reviendrons. Son style, globalement plus dynamique, s’inspire largement de celui de la Taycan, notamment au niveau des optiques avant. Tout comme la berline électrique, le SUV est dénué de calandre. Il subsiste tout de même des orifices, aux extrémités sous les phares et dans la partie inférieure du bouclier. Bien entendu destinés au refroidissement de la batterie et des machines électriques, ils permettent également d’apporter une pointe d’agressivité. À l’arrière, le hayon est moins vertical et donne au SUV une allure de coupé.

Classique mais technologique

L’habitacle s’accède via des portes désormais dénuées d’encadrement. À l’intérieur, l’ambiance est semblable à celle de la Taycan. Le combiné d’instrumentation est d’ailleurs fort ressemblant puisqu’il reprend cette même forme ovale incurvée. Dénué de casquette, il mesure 12,6 pouces. Il travaille en collaboration avec un système d’infodivertissement de 10,9 pouces. Celui-ci fonctionne sous Android, le logiciel de Google, mais utilise aussi des technologies informatiques propres au groupe Volkswagen. Il se commande bien évidemment de manière vocale et tactile. À propos, il est à noter que les boutons physiques se font assez rares dans le Macan. Heureusement, il en subsiste toujours, notamment dédiés à la climatisation. À cette armada technologique s’ajoute en option un troisième écran (lui aussi de 10,9 pouces), disposé face au passager avant. L’affichage tête haute, lui aussi optionnel, profite de la réalité augmentée. La qualité d’assemblage et des matériaux est assez bonne, Porsche ayant souvent recours à du cuir tendu pour recouvrir son mobilier. Dommage en revanche que la firme de Zuffenhausen abuse de l’utilisation du plastique. S’il est certes de bonne qualité, des matériaux plus nobles, comme du métal ou du bois, auraient été bienvenus.

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Au volant, la position de conduite est excellente, le siège pouvant se positionner bas, plus bas de 28 mm par rapport au précédent Macan. Ainsi, les genoux du conducteur forment un angle ouvert. En revanche, à l’arrière, la place prise par la batterie dans le plancher diminue la profondeur de la cave à pieds; par conséquent, les occupants ont les genoux relevés. Heureusement, l’empattement accru permet de laisser suffisamment d’espace aux jambes. Dans le coffre, le volume est donné pour 540 litres, une valeur supérieure au modèle de précédente génération, fort de 488 litres. Une fois les sièges rabattus, la surface de chargement est plane. À l’avant, le «frunk» permet d’embarquer 84 litres. Bien vu: il n’est plus nécessaire de retourner dans l’habitacle pour accéder à ce petit espace puisqu’il suffit de passer sa main devant le logo frontal pour déverrouiller le capot. À noter que la télécommande permet également d’y accéder. Pratique à l’heure de ranger les câbles de recharge.

Sur des rails

«Avec le Macan tout électrique, nous avons l’ambition de proposer le modèle le plus sportif de son segment», explique Jörg Kerner, responsable de la gamme Macan. Sur la route, cela se traduit par un 0 à 100 km/h effectué en 5,2 secondes par le Macan 4 et en 3,3 secondes par le Macan Turbo. La vitesse maximale est atteinte à 220 et 260 km/h respectivement. Au volant, le Macan est bluffant d’efficacité, ses roues étant fixées sur des rails, semble-t-il. Néanmoins, dans les virages courts, lors des brusques changements de direction, le châssis est parfois victime de réactions inattendues. À cause de l’essieu arrière directionnel? Difficile à confirmer car cela ne s’est produit qu’une seule fois lors de cet essai. Quoiqu’il en soit, cela a de quoi surprendre le conducteur. Il faut dire que le Macan 4 doit composer avec une masse importante de 2405 kg, et le Turbo jusqu’à 2480 kg. Ça fait beaucoup. Mais c’est sans doute là le prix à payer pour un véhicule de ce type. En conduite tempérée, la puissance provient exclusivement de l’essieu arrière, conférant au Macan un tempérament de propulsion. Mais l’essieu avant est toujours prêt à prendre le train en marche si nécessaire.

Quatre modes de conduite sont proposés: «Normal», «Sport», «Sport Plus» et «Offroad». Ceux-ci modifient la dureté des suspensions actives en plus de faire varier la hauteur de caisse, le Macan s’abaissant de 30 mm en mode «Sport» et s’élèvant de 40 mm en «Offroad». Malheureusement, si Porsche propose un mode roue libre au lever de pied en plus d’un frein moteur, il n’offre pas de palette au volant permettant de moduler davantage ce freinage. Tout passe donc par la pédale de frein. Une volonté de Porsche que défend Jörg Kerner: «Dans le Macan, le freinage régénératif est très élevé (ndlr: il va jusqu’à 240 kW) et permet de récupérer toute l’énergie cinétique via la pédale de frein, ce qui rend les palettes inutiles. Par le passé, l’entièreté de l’énergie ne pouvait pas être récupérée lors des freinages appuyés, ce qui explique l’existence des palettes dans les autres véhicules.» Certes, mais il n’en reste pas moins que les palettes restent agréables à utiliser au quotidien. Autre déception: le bruit. Bien que le véhicule dispose d’un «Porsche Electric Sport Sound», le son émis par l’excellente installation audio n’est jamais grisant. Dommage.

Le nouveau Macan ne profite pas d’un prix d’appel aussi alléchant que son prédécesseur; à 95 800 francs de base, le SUV est environ 15 000 francs plus cher que son aïeul thermique. Une inflation importante d’environ 20 % que Jörg Kerner tente de justifier: «Les technologies les plus récentes et une gamme d’équipements de série nettement plus étendue que celle de son prédécesseur expliquent le prix du nouveau modèle.» Oui, comme bien d’autres, Porsche n’est pas parvenue à aligner le prix de son excellente technologie ­électrique avec celui de sa non moins bonne ingénierie thermique. Néanmoins, Zuffenhausen reste confiant quant à la capacité de son SUV électrique à se dénicher une nouvelle clientèle. La prise de risque semble donc mesurée. 

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Quid du Macan thermique?

C’est de notoriété publique: l’ancien Macan thermique ne pourra plus être vendu dans certains pays du Vieux Continent à partir du premier juillet pour des questions de législation, la plateforme du véhicule ne répondant pas à la «General Safety Regulation» de l’Union européenne, notamment en matière de cybersécurité. Le Macan n’est pas un cas isolé; tous les modèles qui ne répondent pas à ces exigences seront interdits à la vente. Par conséquent, la commercialisation du Macan thermique a déjà commencé à cesser dans certains pays de l’Union européenne. Cependant, dans les régions où la législation européenne ne s’applique pas, ce qui est le cas de la Suisse évidemment, le Macan à moteur thermique pourra toujours être vendu. Néanmoins, Porsche arrêtera tout de même d’importer son SUV à partir de juillet prochain. Ainsi, les clients ne pourront plus configurer leur véhicule selon leurs souhaits, «mais les centres Porsche suisses disposeront encore d’un large choix de véhicules en stock», rassure Porsche Suisse. Qui explique encore qu’une mise en conformité du véhicule aurait été trop fastidieuse et trop coûteuse. OD

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