TOUT-TERRAIN Difficile de dire à quoi sert le M-Hero 1 électrique. Pour le constructeur chinois Dongfeng, il s’agit probablement de montrer ce qu’il est possible d’inventer.
Chez Noyo SA, la nouvelle société de distribution suisse «de véhicules électriques chinois de haute qualité» – selon la description même de l’entreprise –, on est très confiant: le M-Hero 1 va bel et bien obtenir une autorisation de circuler. Son poids à vide de 3410 kg – pour un poids total de 3920 – ne lui permet pas encore de rouler sur route ouverte mais on a bon espoir du côté de Rotkreuz. À un tel point que le PDG de Noyo, Daniel Kirchert, déclare dans une interview (lire ci-contre) qu’il ne s’agit plus qu’une question de jours. D’autres marchés européens devraient également pouvoir profiter du premier véhicule de la marque chinoise Mengshi, elle-même filiale du géant Dongfeng Motor Corporation (DMC), l’un des plus anciens et des plus importants constructeurs chinois.
Dimensions impressionnantes
Mais regardons ce monstre d’un peu plus près. Le M-Hero 1 n’a pas seulement l’air grand, il l’est: 4,99 mètres de long, 2,08 mètres de large (sans les rétroviseurs extérieurs...), 1,94 mètres de haut pour un empattement de 2,95 mètres. Le poids a déjà été mentionné: la batterie de 142 kWh pèse à elle seule plus de 800 kg. Elle doit conférer au véhicule une autonomie de 450 km. Sa recharge s’effectue à une puissance maximale de 100 kW, ce qui n’est pas excellent, contrairement à sa fiche technique: quatre machines électriques, une boîte de vitesses à deux rapports, une puissance combinée de 800 kW (1088 ch) et un couple de 1400 Nm! Malgré sa masse importante, le «héros» entend accélérer de 0 à 100 km/h en 4,2 secondes, avant d’être bridé électroniquement à 180 km/h. De toute façon, la résistance à l’air se fait ensuite trop importante, car le véhicule n’a pas l’air très aérodynamique; dans ce domaine, même un Mercedes Classe G devrait faire mieux. En fait, même une maison pourrait être plus aérodynamique!
Les capacités de tout-terrain du M-Hero 1 sont impressionnantes. Son apparence, pour sa part, est plutôt grossière. On peut dès lors se demander qui va bien vouloir acheter un tel véhicule.
Mais rouler à une vitesse élevée n’est pas l’objectif du M-Hero 1. Là où il entend se démarquer, c’est plutôt par son allure définitivement martiale et en tout-terrain. Et ici, le Chinois embrasse effectivement le rôle de tout-puissant. On sait qu’un véhicule électrique a «par essence» de sérieux atouts en dehors des routes: son couple très élevé et immédiatement disponible garantit une progression souveraine, qu’il évolue dans la boue, le sable, la neige ou dans des passages escarpés. Sur le papier, le M-Hero 1 affiche une capacité de franchissement de 45 degrés, une inclinaison transversale de 22 degrés, une garde au sol de 33,5 cm, une profondeur de gué de 90 cm, un angle de pente de 37 degrés à l’avant comme à l’arrière et un angle de rampe de 28 degrés. Associé à l’aspect imposant, tout cela ne peut qu’impressionner.
Version bêta
«Toute théorie est grise, mais vert florissant est l’arbre de la vie»: Goethe le savait déjà, même s’il ne pouvait pas se douter qu’un tel monstre serait un jour créé. Le M-Hero 1 a été essayé sur le parcours tout-terrain du centre de conduite TCS de Betzholz, à Hinwil, dans le canton de Zurich, où les Defender et autres véhicules du genre sont habituellement torturés. Six modes de conduite différents sont disponibles et les essieux avant et arrière peuvent être bloqués manuellement: les passages dans le sable et les pierres ne sont donc pas un problème, le M-Hero 1 s’en sortant parfaitement, même en cas de déclivité extrême. Le fait que chacune des quatre machines électriques puisse décider indépendamment de la puissance à envoyer à sa roue (avec une puissance allant jusqu’à 200 kW par roue) facilite également la progression. Les différentes caméras, qui peuvent voir sous le véhicule et le représenter entièrement dans son environnement, sont d’une aide précieuse.
L’intérieur est luxueux pour un véhicule de ce type, les matériaux utilisés correspondent certainement au sentiment de luxe des Chinois. Mais l’espace n’est pas particulièrement généreux.
Il reste certes quelques problèmes à résoudre: l’assistant de conduite en descente ne fonctionne pas encore très bien, mais il s’agit d’un souci de logiciel qui peut être résolu directement depuis Wuhan «over the air», affirment les représentants de Mengshi. Il en va de même pour la pédale d’accélérateur qui, lors de cet essai, n’a malheureusement pas pu être dosée aussi finement qu’on le souhaiterait lors d’une sortie en terrain difficile. Le constructeur, qui est conscient de certaines zones d’ombre, promet que des améliorations seront apportées. Mais c’est une procédure que l’on connaît aussi chez d’autres constructeurs, qui commercialisent la version bêta, accumulent les expériences, puis améliorent leur véhicule. Et comme une automobile moderne est de toute façon plus logicielle que matérielle, cela se passe généralement bien.
Marque de fabrique
Le M-Hero 1 est définitivement un tout-terrain «hardcore». Sur l’asphalte, c’est avant tout un énorme vaisseau, certes très confortable grâce à sa suspension pneumatique (qui conduit toutefois à une certaine rudesse en tout-terrain), mais inadapté aux conditions locales, la Suisse n’étant heureusement pas en guerre. Sur le terrain, la direction est efficace; dans les rues, elle est plutôt approximative. L’intérieur, en revanche, est plutôt bien fini, puisqu’on y trouve tout ce que l’on peut attendre aujourd’hui: des écrans géants, mais aussi beaucoup de boutons et d’interrupteurs physiques. L’installation hi-fi Dynaudio est montée de série. Les sièges avant sont tout à fait confortables, bien que le maintien latéral ne soit pas vraiment leur fort, mais on peut toujours s’appuyer sur la console centrale particulièrement stable et massive. La qualité des matériaux est franchement bonne et il y a beaucoup de place, du moins pour les passagers arrière car dans le coffre, dont la contenance ne dépasse pas les 452 litres, les bagages se sentiront un peu à l’étroit. Enfin, une fois les sièges arrière rabattus, la capacité atteint tout de même 1137 litres. Quant à la charge remorquable, elle est excellente: 2,5 tonnes.
Dongfeng marque certainement les esprits avec sa nouvelle marque Mengshi et son premier produit M-Hero 1. Car les véritables tout-terrain fonctionnant uniquement à l’électricité ne sont pas encore légion sur le marché. Bien sûr, il y a déjà le cybertruck de Tesla (qui n’est toutefois pas disponible chez nous) et bientôt, le Classe G de Mercedes entièrement électrique fera son apparition. Jeep s’adapte également avec zèle et Land Rover donnent des signes clairs en faveur du tournant énergétique. Et en Chine, le M-Hero 1 a déjà un concurrent de taille: le Yangwang U8 du groupe BYD, qui devrait bientôt arriver en Europe.
Pour se montrer?
Mais la question reste entière: pourquoi construit-on un tel engin? Corollaire: qui va acheter ce véhicule, d’autant plus qu’avec un prix de 148 990 francs, il n’est pas vraiment bon marché! Chez Noyo, l’importateur suisse, on hausse les épaules, un peu gêné, et on ne veut pas se prononcer. Les gardes forestiers ne seront probablement pas intéressés, pas plus que les amateurs de roadtrips africains, le réseau de recharge étant inexistant sur ce continent. Il devrait tout de même y avoir quelques cibles: les «early adopters» (c’est-à-dire ceux qui aiment se faire plaisir avec un nouveau gadget), les DJ et les influenceurs qui ont l’obligation de se faire remarquer. Quoiqu’il en soit, Dongfeng n’est probablement pas intéressé par le nombre de pièces vendues. Il s’agit juste de montrer au monde ce dont on est capable. «On peut le faire», comme le dit si bien la publicité, mais on n’est pas obligé.