Bonzai de course Quand la Toyota GR Yaris invite à danser sur le circuit de Jarama, en Espagne, elle n’a jamais à répéter sa question.
Au bout de la table, un type plutôt frêle recouvre son steak avec le contenu de deux moulins à poivre: c’est l’ingénieur en chef Naohiko Saito. Il n’a pas l’air d’aimer ce qui est fade, cet homme-là. Une attitude fondamentale qui fait de lui la personne idoine, car c’est sous sa direction que la nouvelle Toyota GR Yaris a pris encore plus de piquant. Pour ce faire, il a non seulement bénéficié de l’aide d’une équipe d’ingénieurs motivés, mais aussi de celle des Champions du Monde de rallye de la marque, Sébastien Ogier (40 ans, retraité et huit fois titré) et Kalle Rovanperä (24 ans, deux fois couronné ces deux dernières saisons et qui s’accorde maintenant une année sabbatique). Et l’on remarque tout de suite que ces gars-là ne se contentent pas de prêter leur visage pour des photos de presse...
Casse ça, s’il te plaît!
Bon, la base n’était déjà pas si mauvaise. En 2020, la GR (les lettres GR signifient Gazoo Racing) Yaris (XP21) est née d’une collaboration avec la célèbre équipe de rallye de la maison. Objectif: construire une WRC pour un usage quotidien, but parfaitement atteint puisque l’auto a enthousiasmé les jeunes et ceux qui le sont restés. Transmission intégrale, performances élevées, faible poids et la fiabilité typique de la marque: tout cela a tellement convaincu que Toyota a vendu deux fois plus d’unités que prévu (et que nécessaire pour l’homologation du modèle de rallye).
L’amélioration de l’habitacle est basée sur le feedback des clients. La nouvelle GR Yaris possède une position assise nettement plus basse, un rétroviseur intérieur installé plus haut ainsi qu’un nouveau tableau de bord placé plus bas. Une boîte manuelle à six vitesses est montée de série, une automatique à huit rapports est disponible en option.
Dès lors, comment encore améliorer une si bonne voiture? En interrogeant leurs propriétaires, pardi! Mais les souhaits d’améliorations de clients satisfaits étaient peu nombreux: hormis la mauvaise position d’assise et le maniement perfectible des commandes, le constructeur n’a pas eu d’autres mauvais retours. Ainsi, les adaptations ont été rapides, mais cela ne donnait définitivement pas assez de piment à Saito et à ses ingénieurs. Il est donc retourné voir ses collègues du rallye et, ensemble, ils ont sorti de leur chapeau des développements et des améliorations de détail qui ont été testés jusqu’à ce que leur rupture soit atteinte. Au sens littéral du terme…
Développement, utilisation en course jusqu’à la destruction, puis amélioration des pièces. La bonne vieille méthode des essais et de la recherche empirique a révélé un potentiel d’amélioration en maints endroits; la solution a été imaginée, trouvée et testée à nouveau sur la piste, le gravier et la neige. Plus de collages structurels et un plus grand nombre de points de soudure pour augmenter la rigidité de la carrosserie? «Essaie encore une fois avec ça, Kalle!» Repasser sur la connexion des jambes de force à l’avant pour mieux répartir les charges d’impact lors des sauts? «À ton tour, Sébastien!» Horreur, des parties du revêtement en plastique ont fondu de manière surprenante après plusieurs heures à plein gaz! «On les transforme vite fait en métal et on reprend la route, les gars!» Le résultat (pistons effrités, bras de suspension cassés, radiateurs tordus) est posé sur une table, devant nous. Et tout cela ressemble plus à une casse auto qu’à un département développement.
Hardware en détail
La gestion des quatre roues motrices a fait l’objet d’une mise à jour importante sur le plan technique. Si, sur le modèle précédent, il était encore possible de choisir la répartition de la force entre l’avant et l’arrière avec trois modes fixes, le nouveau modèle permet de sélectionner deux modes fixes et un variable. Normalement, la puissance est répartie dans un ratio 60/40 en faveur de l’essieu avant. Le nouveau mode «Track» répartit la force motrice entre l’essieu avant et arrière en fonction de la situation, et ce de manière variable de 60:40 à 30:70. Pour les terrains meubles, cette répartition toujours changeante serait contre-productive et constituerait du même coup une équation avec trop de variables. C’est pourquoi, le profil «Gravel» profite d’une répartition constante de 53:47.
La nouvelle GR Yaris présente également une innovation significative: une boîte automatique à huit vitesses en option. Bien qu’elle souffre d’un poids supplémentaire de 20 kg, elle offre la possibilité d’enclencher les vitesses du bout des doigts, dans le plus pur style des consoles de jeu. Elle est disponible en option. De série, les puristes pourront toujours se fier à la boîte manuelle à six rapports. La bonne nouvelle! Même si passer la vitesse suivante en seulement 0,3 seconde ne sera pas possible avec le levier.
Toyota ne se contente pas de reprendre tel quel le groupe motopropulseur de son prédécesseur, elle offre au trois-cylindres un bonus de 7 % de puissance. Le 1.6-litre suralimenté développe ainsi 206 kW (280 ch) et chaque cheval ne doit ainsi faire face qu’à environ 4,6 kg, ce qui ne semble pas si mal sur le papier. Malheureusement, en dessous de 3200 tr/min, il ne se passe pas grand-chose; au-dessus, en revanche, c’est de la folie. Et comme on a déjà payé pour toute la plage de régime, on doit pouvoir l’utiliser jusqu’à son pic de puissance, soit 6500 tr/min. Le poids à vide de 1300 kg est également surprenant. Il ne reste plus qu’à espérer que Toyota puisse maintenir ce concept à l’avenir. En effet, si les limites d’émissions devaient encore être renforcées, il faudrait attacher à ce bonzaï un sac à dos hybride, similaire à celui déjà utilisé dans la GR Yaris Rally1. Certes, cela pourrait combler le manque de puissance à bas régime, mais le poids supplémentaire pourrait faire perdre la légèreté dont nous avons fait l’expérience sur le circuit.
Un tracé idéal
Le «Circuito del Jarama» convient parfaitement à la nouvelle Toyota GR Yaris. Il s’agit d’une montagne russe d’environ 3,5 km, avec 13 virages. Forts de l’expérience de trois vidéos YouTube et de huit tours de circuit avec une monitrice de conduite dans la précédente Yaris, nous pouvons maintenant nous faire plaisir avec la nouvelle.
Après avoir réalisé quelques tours de piste au volant de la GR Yaris, son conducteur a la banane, car la nouvelle citadine sportive offre un immense plaisir de conduite.
Dès le premier virage, on remarque l’amélioration du comportement de la GR Yaris. Tourner, tirer sur les freins et dès que le véhicule louche en direction du sommet, remettre les gaz. La Yaris passe d’un léger sous-virage à un comportement neutre. Une nette amélioration par rapport au modèle précédent, qui prenait nettement plus de temps pour ce changement. Décélérer avant même d’atteindre le point culminant, la pression de suralimentation s’accumule et la poussée se déplace de l’avant vers l’arrière. La gestion variable de la charge de la transmission intégrale se fait sentir: la direction demande de moins en moins de force au fur et à mesure de l’accélération et de l’angle de braquage constant, les influences de la propulsion s’estompent de plus en plus et ce bonzaï de course va assez précisément là où on le dirige. La GR Yaris aime les accélérations et les changements de direction, mais elle a du mal à atteindre des vitesses élevées en raison de son concept. En cas de freinage brutal à partir d’une vitesse élevée et avec un léger angle de braquage, la GR Yaris danse, ce qui est dû à son empattement court; mais ce phénomène peut être compensé par de fines corrections de direction. La voie large permet à l’essieu avant de bien coller à l’asphalte malgré les basses températures et informe immédiatement le conducteur sur le sol et la direction du mouvement. Même lors de changements de direction rapides et successifs, la tenue de route et la maîtrise du véhicule sont excellentes. Lorsque le conducteur franchit une bosse à l’intérieur d’un virage, il est surpris car la GR Yaris continue à suivre la ligne de conduite comme si rien ne s’était passé, sans secousse particulière, ni coup de poing trop fort sur les fesses.
Les tracés rapides demandent en général un peu de travail au volant, mais sur le parcours tortueux de ce circuit installé aux portes de la capitale espagnole, c’est un vrai plaisir. L’excellente motricité, la répartition variable de la puissance et la boîte de vitesses rapide permettent de contrôler les 280 ch. Tout cela ne surcharge pas son volant, mais lui donne un bon feedback. La GR Yaris ne va pas battre de records de tours sur l’asphalte et, avec son moteur trois cylindres et son empattement court, elle n’est pas non plus très adaptée aux vitesses maximales. Mais elle fait partie de ces désormais trop rares voitures de plaisir, dotées d’une technique de rallye éprouvée et d’une bonne dose de piment. N’est-ce pas, Saito-San?