Tout a commencé par le souhait d’un client, un grand amateur de la marque Lagonda. Il s’est approché de Beat Roos avec l’idée de transformer une limousine en «shooting brake». Ce qui, au début, a suscité des visages plutôt incrédules s’est transformé en un véhicule spectaculaire.
REVUE AUTOMOBILE: Monsieur Roos, qu’avez-vous pensé lorsque vous avez vu pour la première fois la version de série de la Lagonda?
Beat Roos: En 1977, la Lagonda a été présentée dans toute l’Europe par Colin Thew. Notre atelier, qui s’appelait alors Automobile Roos, se trouvait dans la Güterstrasse, à Berne. Colin est arrivé en Suisse après un voyage fulgurant depuis Monaco, via Turin, avec le premier véhicule de série qui avait naturellement sa direction à droite. La technique audacieuse s’accordait parfaitement avec les formes. Les clients présents ne croyaient pas du tout à un design anglais, ils étaient tous persuadés que la voiture venait d’Italie. Hans Fischer, importateur d’Aston Martin et de Lagonda, qui avait aussi la représentation Fiat dans son garage, a été tout de suite d’accord avec moi: une telle voiture n’existera qu’une seule fois. Le courage d’Aston Martin de la lancer en production nous a tous motivés à «passer à la vitesse supérieure.»
Comment est née l’idée de la transformation en «shooting brake»? Aviez-vous déjà eu affaire à des formes de ce genre chez Aston Martin?
Au cours du développement de notre entreprise, en collaboration avec Aston Martin Lagonda Ltd, nous avons eu l’occasion d’examiner différents produits, comme par exemple la DB5 Shooting Brake construite par Radford, la Virage Shooting Brake ainsi que la Lagonda Shooting Brake réalisée sur la base de la Virage. Les V8 Sportbrake construites un peu plus tard n’ont pas réussi, comme la Virage, à convaincre ni l’usine, ni nous-mêmes, en termes de qualité. Il est bien sûr important de préciser ici qu’aucun «shooting brake» n’a été construit par l’entité de production de l’usine, mais bien, comme le nôtre, par le garage de l’usine, le fameux «Service Department» de Newport Pagnell. Autre précision importante: l’idée de transformer une Lagonda Saloon de série III n’est pas venue de moi, mais bien d’un client; il était un amateur enthousiaste de ce véhicule si inhabituel. Et c’est par l’intermédiaire de l’usine que le client m’a soumis son idée; en tant que constructeur aéronautique, je me voyais bien construire un véhicule qui ne devait pas exister. Je me rappelle encore aujourd’hui des visages incrédules de mes collaborateurs lorsque je leur ai présenté les premières esquisses.
Quel fut le processus de conception? Combien d’ébauches ont-elles été nécessaires? Combien de temps vous a-t-il fallu pour vous mettre d’accord avec le client?
Comme notre atelier était déjà assez chargé à l’époque avec des restaurations et des travaux de remise en état, les études de design et de ce qui était faisable devaient se passer le week-end dans un environnement un peu plus calme. William Towns n’étant malheureusement plus de ce monde, il était plutôt présomptueux d’essayer de faire entrer un tel design dans un break. L’élément déterminant était la ligne de toit plongeant vers l’arrière, dont la géométrie devait absolument être conservée. Après de nombreux croquis, des ébauches et finalement avec de la peinture, l’objectif a été atteint, mais ce fut un grand défi. Le client a tout de suite été d’accord avec le projet présenté, il a même déclaré que selon lui, cette voiture aurait pu enthousiasmer William Towns.
Qu’avez-vous pensé lorsque vous avez vu le véhicule fini pour la première fois?
Eh bien, que l’idée de notre client était plus que réussie! Il avait raison, c’était une Lagonda Shooting Brake qui aurait pu être conçue par William Towns. La ligne de toit sur une telle longueur, c’était quelque chose de sensationnel, une petite œuvre d’art professionnelle! «Art of Lagonda», voilà comme on devrait la nommer, elle doit absolument rester une pièce unique!
Qu’en a pensé le Service des automobiles?
Après sa transformation, le véhicule a pu être immatriculé en Suisse sans aucun problème majeur. La structure, soit le châssis ou les renforts importants, n’a pas été modifiée. Ainsi, l’empattement, la voie, la puissance du moteur et les freins sont ceux du véhicule d’origine.
Si vous regardez le «Shooting Brake» aujourd’hui, êtes-vous toujours satisfait?
Lorsque je le conduis, je suis en grande partie satisfait du résultat, car où qu’elle se trouve, cette voiture suscite l’admiration. Ou alors, quelques hochements de tête. Une boîte automatique à 8 rapports avec intervention dans la gestion du moteur conviendrait bien à la Lagonda aujourd’hui. Il faudrait aussi changer la gestion du moteur pour une injection de carburant moderne. Mais laissons les choses telles qu’elles sont: la Lagonda est un véhicule historique et le livre qui raconte sa fabrication mérite d’être publié et lu.