Cap au sud!

Précision de première importance: il y a bien sûr un sauna au «Hakka-Ring», le centre d’essais récemment ouvert en Espagne par le fabricant de pneus finlandais «Nokian Tyres». Il faut dire qu’en été, il peut faire plus de 40 °C à l’ombre sur ce plateau madrilène, mais en ce jour de février où la RA visite le «Centro de Pruebas Nokian Tyres», situé un peu au sud de la ville de Santa Cruz de la Zarza, le thermomètre ne dépasse que très légèrement le zéro. De plus, un vent froid et mordant souffle sur le paysage. Néanmoins, les routes et les pistes sont sèches, il n’y a plus de neige. Il est certes tombé quelques flocons la nuit précédente, mais la «bouillasse» a fondu à notre arrivée. En Finlande, en revanche, le paysage est blanc et les lacs sont gelés à cette période de l’année. Nokian y possède, à Ivalo, un peu au-delà du cercle polaire, un gigantesque centre d’essais pour tester ses pneus d’hiver.

Associer la marque aux pneus destinés à la saison froide n’a rien à voir avec le hasard; c’est bien Nokian qui, en 1934, a inventé le pneu d’hiver. À l’époque, l’enveloppe à grosses rainures était proposée sous le nom de «Kelirengas», que l’on peut traduire par «pneu météo». Depuis 1936, les pneus d’hiver de Nokian sont disponibles sous la désignation «Hakkapeliitta».

Mais Nokian est bien plus qu’un simple fabricant de pneus d’hiver. Le pneumaticien finlandais, qui produit des pneumatiques adaptés à environ 94 % du parc automobile actuel, assemble également des pneus d’été. Grâce à ce nouveau site d’essai construit en Espagne (pour une valeur de plus de 60 millions d’euros!), l’enseigne finlandaise peut désormais peaufiner ce type de produits. Ce voyage vers le sud a aussi un sens particulier pour Nokian, car l’objectif de l’entreprise est la croissance. Et cela ne signifie pas simplement devenir plus grand, mais d’abord revenir là où elle s’est déjà trouvée. En effet, Nokian a subi de lourdes pertes ces dernières années. Pas à cause de sa manière de gérer ses affaires mais bien en raison de circonstances géopolitiques, la Russie faisant partie des clients les plus importants du groupe. Ainsi, Nokian avait transféré une grande partie de sa production à Saint-Pétersbourg, les enveloppes toutes saisons et les pneus hiver étant particulièrement demandés dans la région. Or, à cause de la guerre en Ukraine, les responsables se sont rapidement rendus compte que cet engagement ne pouvait pas être poursuivi; l’entreprise a donc dû dire adieu à son usine ultramoderne, et ce contre une somme dérisoire. Oui, au niveau de la direction, on a grincé des dents, 80 % des capacités de production ayant été perdues. Les brevets, le savoir-faire et le matériel sont également restés en Russie. Et Nokian de maintenir son approvisionnement comme elle a pu en faisant appel à des sous-traitants, ici et là.

Usine en Roumanie

Mais une nette amélioration est en vue: une nouvelle usine, en Roumanie, devrait ramener la production à un niveau qui permettra le retour à la croissance. Le premier objectif est d’atteindre la barre des deux milliards de dollars de chiffre d’affaires, but qui était en vue avant la crise. Des investissements de 650 millions de dollars seront réalisés dans cette usine de 100 000 m2 qui emploiera environ 500 personnes. Dès septembre, la structure pourra produire jusqu’à 18 millions de pneus par an. Mais d’autres objectifs figurent en tête de liste des choses à faire. L’une des priorités est la réduction des émissions de CO2. Ainsi, Nokian ne produit plus que 200 kg de CO2 par tonne de pneus, alors que chez la concurrence, les valeurs varient entre 500 et 1000 kg. L’intention des Finlandais à terme est de ne plus émettre de CO2 du tout. Pour ce faire, il faudra renoncer à l’utilisation d’huiles aromatiques. Par ailleurs, la marque compte orienter ses investissements et ses recherches dans le développement de pneus avec un indice de résistance au roulement A+.

Programme complet

En Espagne, Nokian a fait construire une installation impressionnante sur une surface équivalente à 500 terrains de football. En 2018, la construction du Hakka-Ring a toutefois été fortement retardée par la pandémie de Covid-19. Les ouvriers ne pouvaient plus se rendre à leur travail et la disponibilité des machines et des matériaux n’était pas garantie en raison de problèmes d’approvisionnement. Aujourd’hui, l’installation est pleinement opérationnelle et devrait permettre de réaliser environ 20 000 tests par an. On y trouve une piste à grande vitesse avec des virages surélevés d’une inclinaison de 41,3 %, un parcours de maniabilité, une piste vibrante avec différentes surfaces de routes de toutes les régions du monde, y compris les pistes en béton américaines ou les pavés du nord de la France. Une grande piste circulaire peut également être inondée. Et, bien sûr, différentes pistes de freinage disposent d’innombrables revêtements. Des ateliers climatisés, qui ne mettent pas en péril le travail en cas de chaleur torride en été, assurent l’efficacité des essais. Là où il n’y avait encore que quelques oliviers il y a quelques années, Nokian peut désormais compter sur ses propres installations et ne doit plus louer les services d’autres fabricants ou les installations d’instituts ou de constructeurs automobiles. Et les oliviers, replantés, sont même plus nombreux qu’auparavant. Personne n’a voulu répondre à la question de savoir si les pneus Nokian contiendraient à l’avenir de l’huile d’olive. À la place, on nous a plutôt conseillé de nous rendre au sauna mentionné un peu plus haut...