Vers 1960, les hommes et les voitures ne faisaient pas dans la dentelle, au contraire. Ils et elles avaient un caractère bien trempé qui faisait leur fierté, du moins dans certains souvenirs...
Durant la seconde moitié des années 1960, l’économie allemande et son industrie automobile sont en plein essor. Les nouvelles voitures pullulent et les constructeurs sont bourrés d’ambitions; en plus d’assembler des voitures de série standards, ils réinvestissent aussi le sport automobile. En 1966 par exemple, Opel lance la Rekord C, et l’année suivante, une version coupé tunée apparaît sur différents événements. Cette voiture noire de jais est l’unique ambassadrice d’Opel dans le sport automobile et la première voiture de course à sortir de Rüsselsheim (Allemagne) depuis la fin de la guerre. Tout autour de cette voiture semble un peu mystérieux et surprenant. Ce qui n’est pas étonnant puisque le projet a été conçu en secret sous la direction du designer Opel Anatole Lapine, sans l’autorisation des dirigeants de la marque ou de la maison mère GM. Cette histoire ressemble à ce qui s’est produit avec la Golf GTI, développée en secret à Wolfsburg.
Les voitures américaines, ou du moins le style américain, étaient en vogue en Europe dans les années 1960, et la Rekord C montrait cette influence, notamment avec le déhanchement au niveau de la ceinture de caisse. Cette Opel avait du sex-appeal! Il était donc naturel de l’utiliser comme ambassadrice du sport automobile.
Lauda au volant
Le moteur essence quatre cylindres de 1,9 litre a été réglé en Suède par Ragnar Ecklund et offrait presque le double de la puissance du moteur d’origine. Selon les sources, elle se situait entre 150 et 175 ch. C’était une bonne dose de vapeur pour une voiture de seulement 935 kg. Afin de mieux transmettre la puissance sur l’asphalte, l’essieu arrière de la Rekord a été amélioré avec des triangles en lieu et place de la barre Panhard. C’est Erich Bitter qui se présentera avec la Rekord la première fois au départ d’une course, à Hockenheim. Sous sa direction, Opel doit tenir tête aux légendes de l’époque au sein du groupe 5 que sont Porsche, BMW et Mercedes. La «Veuve Noire» passe ensuite entre des mains autrichiennes, celles d’un jeune talent de 20 ans nommé Niki Lauda, qui la conduit en 1969 lors d’une course sur l’aéroport de Tulln-Langenlebarn, près de Vienne. L’expérience de Lauda au volant de la Veuve Noire est de courte durée et se termine par un abandon. Peu de temps après, la voiture disparaît mystérieusement, les informations à ce sujet restant contradictoires.
Construction d’une réplique
La Veuve Noire visible ici est donc une réplique initiée par Jens Cooper, qui travaille au musée de l’usine Opel, à Rüsselsheim. Il est l’un des trois employés qui prennent soin de la collection de la marque. Heureusement pour Jens Cooper, le père de la voiture, Anatole Lapine, était encore en vie dans les années 2000 et a fourni les informations permettant d’aboutir à une réplique aussi précise que possible. Ainsi, la voiture est basée sur le même modèle que la Veuve Noire originale et est sortie de l’usine la même année. Le projet a duré trois ans et la réplique fut achevée en 2012.
Aujourd’hui, la Rekord noire et jaune est revenue là où elle a vu le jour. C’est une scène étrange, mais le décor est approprié; après tout, ses origines sont ici, à Rüsselsheim. Alors que les voitures de rallye et de course actuelles ressemblent généralement à des kitcars qui n’ont rien à voir avec les voitures de série, la parenté entre la Veuve Noire et la Rekord standard est évidente. En regardant la voiture, on comprend bien pourquoi le coupé Rekord C est considéré par beaucoup comme l’une des plus belles Opel de tous les temps. L’absence de montant B confère à la voiture une légèreté indéniable. Grâce aux techniques de tuning actuelles, le moteur quatre cylindres de 1,9 litre développe 200 chevaux. Même selon les normes actuelles, c’est suffisant pour une voiture qui pèse moins de 1000 kg. L’intérieur a également été conçu aussi fidèlement que possible. Les sièges baquets durs et démodés, sans appuie-tête, ne font preuve d’aucune pitié. La banquette arrière est remplacée par un arceau de sécurité. Le tableau de bord n’affiche que le strict nécessaire, avec un grand compte-tours dans le champ de vision du conducteur, la température de l’eau et de l’huile ainsi que la pression d’huile.
Il n’y a pas de compteur de vitesse. Au volant, la Veuve Noire fait plaisir: elle se dirige parfaitement et le moteur est hyper nerveux. En revanche, son bruit est presque grotesque par rapport aux standards actuels. Il faut dire que «grâce» au tuyau d’échappement latéral, le son parvient aux oreilles sans être étouffé. Le rugissement fait palpiter le cœur!
Lien avec le conducteur
La Veuve Noire grave une ligne noire dans le sol. La direction est directe et immédiate – parfaite! Le levier de vitesses est long, avec quatre rapports, le choix reste assez simple et la commande est mécaniquement précise. C’est tout cela qui constitue la popularité des classiques. Ici, tout est réel, il ne s’agit pas d’un jeu vidéo où le lien entre le conducteur et la route se rompt quelque part dans les méandres des aides à la conduite. Ceux qui n’ont pas l’habitude d’évaluer autre chose que des voitures neuves pourraient bien être saisis d’un micro-orgasme en chevauchant cette Veuve. Malheureusement, l’essai est de courte durée, car le temps passé avec Jens Cooper est écoulé, il doit reprendre ses activités. Comme Opel a enfin compris la valeur de l’histoire, toute une série de classiques passés et futurs attendent d’être restaurés et présentés à nouveau.
Fiche technique
Opel Rekord C Veuve Noire 1967
Moteur L4 AV longitudinal, 1 ACT, 2 carburateurs Weber 48, 1897 cm³, env. 200 ch, aucune information sur le régime et le couple.
Transmission Boîte de vitesses manuelle à 4 rapports, propulsion, blocage de différentiel.
Châssis Jambes de force MacPherson AV, essieu rigide avec bras longitudinaux et triangle AR, freins à disque.
Carrosserie Tôle d’acier autoportante, cage de sécurité, 2 places.
Performances Non connues.
Nombre d’exemplaires 2 (l’original de 1969 a disparu, réplique de 2012).
Prix Non communiqué.