Bertoni, Maserati et les autres…

Trois jours durant, le Château de Coppet a servi d’écrin à près de 90 véhicules sélectionnés. Le vendredi 14 juin, les autos ont prouvé qu’elles sont parfaitement aptes à rouler et ne sont pas seulement en sommeil dans des musées ou des collections privées. Le samedi, elles ont été jugées par un jury composé de spécialistes reconnus. Et le dimanche est arrivé le grand moment de la remise des prix aux autos qui ont su séduire les juges... Les 90 ans de la célèbre Citroën Traction Avant donnent immédiatement une dimension hors-norme à cette édition du CES. Et pour cause, le véhicule a marqué son époque et connu une longévité enviable de 23 ans au catalogue. Si André Citroën fut le créateur de cette aventure industrielle, celui qui en traça les lignes si reconnaissables, c’est le sculpteur et designer d’origine italienne, Flaminio Bertoni disparu voici 60 ans en février 1964. Ce génie, le mot n’est pas galvaudé, a encore dessiné la 2 CV, l’incroyable DS et l’étonnante Ami 6 dont il se disait particulièrement fier. Ces 4 autos totalement différentes et prouvent que l’homme avait de la ressource créative!

Pour rendre hommage à Bertoni, Olivier de Serres, membre du jury 2024 du CES (lire encadré), connu mondialement pour être le spécialiste incontesté de la Traction Avant Citroën et d’autres modèles aux chevrons les a décrits jusque dans les moindres détails dans de nombreux ouvrages de référence. Il a offert son immense savoir au public et aux participants.

La première icône de Flaminio Bertoni

Avec goût, les Citroën de Bertoni ont été disposées sur le gazon du parc du Château de Coppet en forme de double Chevron ! Il faut dire que de multiples versions étaient présentes pour démontrer le côté universel de cette automobile innovante. Une berline 7A 1934 dont le grand-père agent Citroën en Haute-Savoie était allé lui-même prendre livraison dans la nouvelle usine du Quai de Javel. De nos jours c’est son petit-fils qui en a lui-même hérité de son père qui veille sur elle. Caractéristique des premiers modèles, le toit n’est pas encore entièrement métallique, sa partie centrale est composée d’un cadre en bois tendu de grillage et recouvert de simili-cuit à l’extérieur et de drap en laine à l’intérieur. Les ouvrants des portes arrières portent une pièce rapportée qu’il avait en son temps fallu souder pour rigidifier la caisse un peu trop souple. D’autre détails attestent encore d’un modèle de début de production. La gamme ne comportait pas seulement une berline 7CV, un élégant cabriolet et un faux cabriolet à toit métallique fixe étaient aussi au catalogue. Avec deux carrosseries pour la berline 11 CV en version légère et Normale plus spacieuse. Puis un empattement plus long est devenu la familiale 8 places avec 2 strapontins ou aussi commerciale avec un hayon en deux parties. La version 22 CV à moteur V8 ayant fait long feu, la 15 CV arrive en 1938 pour offrir un haut de gamme rapidement surnommé la «Reine de la Route» permettant de rouler à plus de 100 Km/h en sécurité. Très rares sont les cabriolets 15 CV, trois officiellement recensés et produits à l’usine. Ce qui a permis en son temps à des carrossiers indépendants dont les Suisses Worblaufen et Langenthal de proposer des cabriolets élégants basés souvent sur des 11 Normales. Ajoutez encore la berline découvrable Baumann à l’éventail. Rien que cette partie du plateau pouvait occuper les passionnés plusieurs heures…

D’autres carrosseries suisses, souvent présentes grâce aux contacts de l’antiquaire spécialiste Christoph Grohe, qui fait aussi partie des membres du jury du CES. Des Alvis Graber 1963 et 1964, Lancia Aurelia B52 Worblaufen, B55 Beutler 1955, Delahaye 135 MS 1946 Köng, ou encore la Ferrari Beach Car 1972 de Felber ont rappelé qu’en Suisse aussi on savait habiller des automobiles avec élégance! En admirant les Maserati, bien des visiteurs ont été étonnés par la version Quattroporte Prototypo 1971 de Pietro Frua. En voyant le modèle rouge le série 1 1972 juste à côté, la bleue proposée par Frua est plus racée. Mais on ne refait pas l’histoire… ! Une Lancia Aurelia Florida B52 1955 m’a aussi tapé dans l’œil ! Ses dimensions sont imposantes, elle est nettement plus longue que les différentes version d’Aurelia connues. De plus ses lignes fuselées et étirées de Pinin Farina, qui ne s’écrit pas encore en un seul mot en 1955, préfigurent la future grande Lancia Flaminia qui arrivera 2 ans plus tard. La partie centrale et l’arrière sont quasiment intouchés avec déjà les deux essuie-glace de la lunette arrière! Et l’énumération des perles automobiles pourrait se poursuivre encore sur quelques pages…