Show Les salons automobiles sont-ils morts? C’est peut-être vrai pour Genève ou l’IAA. Mais à Pékin, il en va tout autrement.
Il y a deux façons de voir les choses. On peut tenter d’imaginer l’impact qu’aurait la chute d’un sac de riz sur la Chine: aucune conséquence! Et puis, il y a l’autre, celle du fameux battement d’ailes de papillon censé déclencher un tsunami à l’autre bout du monde. Comme souvent, la vérité se situe quelque part entre les deux, mais elle penche lentement – et de plus en plus – du côté des papillons. Du moins en ce qui concerne l’industrie automobile.
Jeunes publics
Car les constructeurs de l’Empire du Milieu n’ont pas seulement présenté des produits et des technologies lors du Salon «Auto China», à Pékin, ils ont aussi attiré un public venu en masse. Outre quelques dizaines d’Européens à l’air renfrogné, des milliers d’influenceuses et influenceurs, de «YouTubers», de «TikTokers» et autres de «WeChaters» se sont pressés autour et à l’intérieur des voitures lors de la journée presse, tous joyeux, positifs, babillant frénétiquement avec leurs appareils, impatients de découvrir l’une des 117 (!) premières mondiales du Salon. Eh oui, le public y est jeune, très jeune; si l’on enlève les «laowai» (étrangers), la moyenne d’âge se situe probablement autour de 25 ans.
Les fabricants chinois engagent des équipes entières d’influenceurs. On peut en sourire, mais on ne devrait pas, car leur portée médiatique est gigantesque.
Ici, le « business » fonctionne différemment. Ce ne sont pas quelques journalistes triés sur le volet qui donnent à leurs lecteurs des informations de première main sur les nouveautés. Les constructeurs chinois engagent des influenceurs par dizaines, qui restent toute la journée devant un véhicule. Les uns sont simplement beaux, les autres discutent avec leurs «followers», répondent aux questions, posent, sourient.
Nouvelles voies
On peut en rire, mais on ne devrait pas, car certaines de ces dames et certains de ces messieurs ont plusieurs millions de «clients»: chez Xiaomi, le fabricant de téléphones portables et depuis peu producteur de voitures, on espère toucher, durant «Auto China», au moins 300 millions de personnes rien que par le biais de l’équipe dédiée aux réseaux sociaux. Bien sûr, ces personnes ne se presseront pas toutes chez les concessionnaires dès le lendemain – de tout manière, Xiaomi ne vend qu’en ligne. Mais en à peine un mois, la marque a écoulé plus de 75 000 exemplaires de son premier (et unique à ce jour) modèle, le SU7. Celui-ci coûte 30 000 dollars. Le jour de l’ouverture, le public a fait la queue pendant plusieurs heures pour avoir le droit de se faire une idée plus précise du véhicule, qui ne faisait même pas partie des premières mondiales. Une histoire qui rappelle la belle époque de l’industrie automobile européenne. Comme, en 1955, lorsque Citroën avait annoncé avoir signé, au Salon de Paris, 80 000 contrats de vente pour sa toute nouvelle DS. Et les lecteurs se souviennent peut-être aussi de ces années où, à Genève, il était difficile de distinguer dans la foule les nouveautés présentées chez Ferrari ou chez Skoda.
«Auto China» a attiré plus de monde durant sa journée presse que Genève 2024 pendant toute sa durée d’ouverture.
Il est bien sûr difficile d’avoir une vue d’ensemble sur tant de premières mondiales. Ne serait-ce que parce que les différentes marques sont difficiles à distinguer les unes des autres. Les constructeurs chinois sont passés maîtres dans l’art de la coopération, notamment lorsqu’il s’agit de logiciels et de distribution. «Baidu», le «Google» chinois, joue le jeu; «Alibaba», l’Amazon local, est de la partie, comme «Huawei», l’Apple de là-bas, mais aussi les grands fabricants de batteries (CATL, BYD), qui occupent par définition une position particulière. Parmi les marques chinoises présentes en Suisse (elles ne sont pas encore nombreuses), on a apprécié MG, qui a présenté une étude extrêmement plate. De sa nouvelle Ocean, le plus grand constructeur chinois, BYD, n’a pas encore souhaité parler. Quant au groupe Dongfeng, il a présenté de nombreuses nouveautés (sur lesquelles nous reviendrons dans un prochain numéro).
Un design réussi
Mais l’un des véritables points forts d’«Auto China» a été la Nio ET7, qui recevra une première batterie semi-solide et devrait ainsi atteindre une autonomie purement électrique de plus de 1000 kilomètres. Et ce n’est pas de la musique d’avenir puisqu’elle sera mise en vente dès le 1er juin de cette année! La IM L6 dispose également d’une telle batterie et elle sera disponible dès le 13 mai. Geely a présenté le Galaxy, dont le design est plus que léché – les firmes chinoises ont fait d’énormes progrès en matière de design. Li Ato, Xpeng et surtout Avatr n’ont plus rien à envier aux grands noms européens. Bien au contraire: c’est en Chine que les tendances optiques seront définies à l’avenir.
Il va de soi que Volkswagen délocalisera bientôt de grands domaines de son développement automobile en Chine. Lors du Salon «Auto China», la firme de Wolfsburg a encore montré, avec une certaine pudeur, l’ID.Code 01, qui doit lancer un nouveau langage stylistique, dédié exclusivement au plus grand marché automobile du monde. Bien entendu, il ne s’agit que d’un concept, il faudra que de l’eau coule encore sous les ponts avant que ce SUV soit produit en série. Précision: dans le même temps, les Chinois ont renoncé aux études et planifient un changement de modèle par étapes de 18 mois! Le groupe Volkswagen avait tout de même une nouveauté importante à proposer à Pékin: il existe dorénavant une nouvelle marque bon marché appelée Jetta! Et non, ce n’est pas l’ancienne Jetta basée sur la Golf qui est proposée, mais les mêmes modèles que ceux destinés au marché européen, simplement proposé à un prix moins élevé. Une stratégie intéressante, même si elle peut paraître quelque peu incompréhensible.
Des Européens un peu impuissants
Mercedes a présenté en première mondiale son Classe G entièrement électrique, Lamborghini le Plug-in-Urus, BMW la i4 rafraîchie, Audi quelques peintures inhabituelles, Porsche s’est surpassé avec un Macan gris et une Taycan grise, c’est tout; Stellantis n’a même pas osé s’aventurer en Extrême-Orient, ce qui témoigne peut-être aussi de l’impuissance des constructeurs européens établis. Toyota, en revanche, semble avoir trouvé sa propre voie pour faire face à la domination technologique chinoise dans le domaine des véhicules électriques: deux nouveaux VE ont été présentés. Ils sont développés par et avec BYD…