La Chine toujours plus puissante

Les chiffres sont impressionnants: 21,7 millions de voitures neuves ont été vendues en Chine l’année dernière, soit 5,6 % de plus qu’en 2022. À titre de comparaison, l’Amérique du Nord en a vendu 15,6 millions (soit une hausse étonnante de 12,3 %), tandis qu’en Europe, les chiffres annuels ne sont pas encore disponibles, mais on peut également s’attendre à une hausse à deux chiffres et à un peu plus de onze millions de véhicules vendus. La prédiction de plusieurs experts selon laquelle la Chine achèterait plus de voitures que les Etats-Unis et l’Europe réunis d’ici fin 2025 pourrait bien se réaliser. Les Chinois n’ont pas seulement acheté beaucoup de voitures, ils ont pour la première fois atteint un taux d’exportation record.

Avec 5,22 millions d’unités vendues pour une valeur de 102 milliards de dollars, soit 57 % de plus qu’il y a un an, et un chiffre d’affaires en hausse de 69 %, l’Empire du Milieu est pour la première fois l’exportateur de voitures le plus prospère au monde. À cela s’ajoutent des pièces automobiles d’une valeur de près de 90 milliards de dollars. Ce ne sont pas tant les marchés européens et américains qui sont inondés de véhicules chinois, mais les exportations vers l’Australie, le Mexique et surtout la Russie (+412 %). Celles-ci ont connu une croissance extrême, les Chinois détenant entre-temps une part de marché de près de 50 % dans le pays de Poutine.

BYD prend d’emblée la première place

Mais regardons de plus près le marché chinois, car c’est la première fois qu’un constructeur local, BYD, s’y est hissé à la première place du classement des ventes (voir tableaux). Les Chinois ont vendu près de 2,6 millions de véhicules dans leur pays l’année dernière, soit 43,3 % de plus qu’en 2022. L’ancien leader Volkswagen a perdu 0,2 % et atteint 2,2 millions de véhicules, ce qui représente tout de même une part de marché respectable de 10,3 %. Toyota, numéro trois, a également perdu du terrain, tout comme Honda en quatrième position. Geely (+9.6 %), Wuling (+7.8 %), BMW (+7.8 %) et Audi (+11.3 %) ont bien progressé. Il est toutefois probable que les constructeurs européens et japonais établis ne pourront pas conserver leur position de leader au cours des deux ou trois prochaines années, car Changan, Aion, Xpeng et bien d’autres se profilent à l’horizon. BYD est non seulement le plus grand constructeur en Chine, mais il domine également le marché des hybrides rechargeables (48 % de part de marché) et celui des véhicules purement électriques, avec une part de marché de près de 26 %.

Pour les véhicules électriques, BYD devance Tesla, Aion, Wuling et Nio, et Volkswagen est le seul fournisseur européen à se hisser à la sixième place. Le VE le plus vendu reste la Tesla Model Y, bien que les Américains aient connu des ruptures de livraison à répétition et n’aient pu vendre aucune voiture certaines semaines. Les «New Energy Vehicles» (NEV, c’est-à-dire BEV et PHEV) représentent 35,7 % du marché chinois.

Vitesse de recharge améliorée

Mais bien entendu, tout ce qui brille en Chine est loin d’être de l’or. Weltmeister, l’une des marques existantes depuis longtemps, a dû déposer le bilan à la fin de l’année. Hiphi, qui a démarré très tôt en Norvège avec de grands espoirs, semble elle aussi confrontée à de graves difficultés. Et chez Aiways, également présent en Suisse, de gros changements sont prévus (mais la Revue Automobile ne peut pas encore en parler). Si l’on regarde d’un peu plus près les développements actuels en Chine, on peut supposer que la marche triomphale des VE en particulier ne va pas ralentir.

Zeekr, l’une des nombreuses filiales de Geely, vient ainsi de présenter le plan 1515. L’idée est que les clients trouvent dans tout le pays un chargeur rapide dans leur périmètre en 15 minutes, et de recharger également en 15 minutes. Un quart d’heure, c’est à peu près la moitié des temps de charge les plus rapides à ce jour. Porsche, par exemple, annonce 27 minutes pour une charge de 20 à 80 % sur son nouveau Macan, qui sera lancé prochainement. Zeekr prévoit d’augmenter considérablement la puissance de charge. En septembre de l’année dernière, les premières stations de recharge V2 ont été inaugurées, avec un courant de 600 kilowatts. Et juste avant Noël, les Chinois ont ajouté la V3, qui permet d’atteindre 800 kilowatts. Zeekr lance également la 007, un véhicule capable d’utiliser pleinement cette nouvelle infrastructure de recharge. La plus petite batterie de 75 kWh (appelée Golden Brick, développée en interne, LFP) se charge à une puissance maximale de 500 kilowatts, soit 500 kilomètres d’autonomie en 15 minutes. La plus grande batterie de 100 kWh, la fameuse Qilin de Catl (NMC), peut faire encore mieux: plus de 600 kilowatts, soit 610 kilomètres d’autonomie en un quart d’heure.

Des commandes par milliers

L’un des problèmes des VE, à savoir les arrêts nettement plus longs pour faire le plein ou pour recharger par rapport aux véhicules à combustion, appartiendrait donc au passé. La Zeekr 007 est construite depuis le début de l’année et plus de 50 000 commandes ont été enregistrées. La berline de 4,86 mètres de long développe 421 ch dans sa version de base et coûte moins de 30 000 dollars en Chine. Le modèle haut de gamme à quatre roues motrices développe 637 ch, passe de 0 à 100 km/h en 2,84 secondes et coûte l’équivalent de 42 000 dollars.

Et Zeekr n’est pas seul, car le fabricant de smartphones Xiaomi avance des chiffres similaires pour sa première automobile, la SU7. Ce qui n’est pas surprenant, car cette berline extrêmement aérodynamique est également équipée de la batterie Catl-Qilin. Non seulement elle est capable de récupérer 510 kilomètres d’autonomie en 15 minutes, mais elle dispose également d’une toute nouvelle architecture de 875 volts. Yuanhang, une autre nouvelle marque, annonce pour son Y6 une autonomie de plus de 1000 kilomètres en tout électrique, mais avec une batterie de 150 kWh. Et ce pour moins de l’équivalent de 50 000 dollars. D’ailleurs, tous ces véhicules ont une allure très soignée. Pour cela, de nombreux designers (européens) de talent ont d’ailleurs été recrutés.

Et les normes européennes?

Chez Geely, on voit encore plus loin et c’est pour cela que le groupe a lancé ses propres satellites dans l’espace. Ils serviront pour les communications au sol entre les véhicules. Nous ne nous attarderons pas sur la question de savoir si cela va avec les dispositions européennes en matière de protection des données - les Chinois sont au-delà de cette préoccupation. Et lorsque BYD présentera cette année son premier véhicule de série équipé d’une batterie à combustible solide, les règles du jeu sur le marché automobile mondial seront de toute façon complètement modifiées.

Ah oui, les premiers véhicules équipés de batteries sodium-ion viennent de sortir des chaînes de montage en Chine. Ces batteries, qui ne nécessitent pas de lithium (coûteux) ni de cobalt (politiquement problématique), sont environ 40 % moins chères à produire. Elles ne conviennent encore qu’aux petites voitures et ne peuvent stocker qu’une autonomie relativement faible, mais elles représentent une étape importante dans la réduction des coûts de production. La plus grande chance pour les constructeurs historiques? BYD, Geely, Changan et consorts ne sont pas particulièrement intéressés par la complexité des normes européennes!