Interview avec Thomas Schäfer, patron de VW: «Volkswagen sera synonyme de mobilité abordable»

Interview: Klaus Justen | 16.11.2023

Thomas Schäfer Le patron de VW parle des futurs modèles électriques, de l’évolution des coûts, de la technologie et de la concurrence chinoise.

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Avec sa berline familiale ID.7, VW commercialise un nouveau véhicule électrique sur le marché. Cette berline offre une autonomie de 600 km; l’année prochaine, une variante avec une batterie plus grande, permettra d’en parcourir plus de 700. Par ailleurs, le dérivé break, si important pour le marché européen, suivra sous le nom de «Tourer». Le PDG de la marque VW, Thomas Schäfer, explique dans une interview pourquoi les clients devront encore attendre avant de voir apparaître une VW d’entrée de gamme.

REVUE AUTOMOBILE: Quelle est l’importance de l’ID.7 pour VW?
Thomas Schäfer: L’ID.7 est très importante, parce qu’elle complète notre offre électrique vers le haut de manière très valorisante, avec une autonomie pouvant aller jusqu’à 700 km. Berline familiale, elle est aussi un véhicule d’entreprise très intéressant. Nous sommes ainsi bien positionnés, avec un excellent rapport qualité/prix par rapport à la concurrence. Pour l’Europe, le break «Tourer» sera encore plus important; le développement de cette voiture est terminé, elle sera lancée au milieu de l’année prochaine. Les premières réactions sont très positives. Nous estimons que le «Tourer» représentera environ 80 % des ventes d’ID.7 en Europe.

Si on la compare au monde des véhicules à combustion, l’ID.7 est-elle la nouvelle Passat ou est-elle positionnée plus haut de gamme?
Du point de vue de la conduite et de l’habitacle, elle se positionne à un niveau un peu plus élevé. Nous sommes heureux d’avoir ces deux modèles, qui seront proposés en parallèle dans les années à venir. La Passat restera sur les marchés où les véhicules thermiques sont majoritaires.

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La VW ID.7 mesure près de cinq mètres de long. Forte de 210 kW (286 ch) elle dispose d’une batterie de 77 kWh pour une autonomie WLTP de 600 km. Sa puissance de recharge est de 175 kW. Elle est disponible à partir de 66 500 francs.

Actuellement, le marché des véhicules électriques n’est pas si important que cela en matière de volume. VW a même dû réduire la production de certains de ces modèles à batterie. L’ID.7 arrive-t-elle au mauvais moment?
Le marché dans son ensemble est effectivement faible, car il y a une certaine insécurité due au contexte économique; de nombreux pays ont retiré leurs mesures d’encouragement et les prix de l’électricité ont augmenté. Mais en principe, l’avenir de la mobilité sera électrique. Selon moi, ce serait une erreur de masquer l’absence de demande, de produire des gros volumes et de lancer ensuite les véhicules sur le marché avec des aides à la vente massives pour acquérir des parts de marché. Ce n’est pas durable à long terme. On triche ainsi sur le niveau de prix et la marge. Donc, à long terme, les valeurs résiduelles. La bonne solution est d’adapter temporairement les capacités de production. C’est ce que nous avons fait.

Mais certains concurrents n’hésitent pas à desserrer la vis en matière de prix pour écouler leurs voitures...
C’est un sujet délicat. On endommage ainsi les valeurs résiduelles de ces modèles et on irrite aussi la clientèle: imaginez que vous achetiez une voiture aujourd’hui et que vous appreniez demain, par les médias, qu’elle est désormais 4000 euros moins chère! Nous préférons miser sur une politique de prix plus stable et d’adapter temporairement la production en conséquence.

À quels autres véhicules faut-il s’attendre dans le segment haut de gamme?
Le projet Trinity entend combler l’écart qui existe entre les ID.5 et ID.7. Nous pourrions aussi lancer plus tard un grand SUV électrique dans la catégorie du Touareg. Mais ce n’est pas encore décidé.

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L’ID.7 Tourer arrivera sur le marché dans le courant de l’année prochaine. A l’instar de l’ID.7 normale, elle sera disponible avec une batterie de 90 kWh pour une autonomie de plus de 700 km.

L’ID.5 ne restera donc pas le SUV le plus cher du catalogue?
Non. Mais actuellement, il convient. Nous relancerons notre gamme complète à partir de 2025. Dans le contexte actuel, nous devons utiliser les ressources financières de manière ciblée, dans le cadre de notre programme de performance. Nous faisons un pas après l’autre.

Chez VW, il n’existe pas encore de véhicule électrique d’entrée de gamme. Pourquoi ne pas en avoir produit un plus tôt. Serait-ce parce que l’e-up n’a jamais été rentable?
Les prétendues pertes autour de l’e-up sont des rumeurs fantaisistes. Néanmoins, il est clair qu’il est généralement plus difficile de gagner de l’argent sur de petits modèles. C’est aussi le cas pour les voitures thermiques. Malgré les importants effets d’échelle dus à notre volume de production élevé, nous devons tout calculer très précisément. À l’avenir également, Volkswagen sera synonyme de mobilité abordable. Mais dans notre planification à long terme, lors de la priorisation de nos projets au cours des prochaines années, les petites catégories de véhicules ne figuraient pas en tête de notre agenda. Dans le domaine de l’électrique en particulier, les modèles sont conçus de haut en bas.

Quel est le principal facteur de coût des véhicules électriques?
Ceux de la batterie sont absolument dominants, ils représentent jusqu’à 40 % de la valeur du véhicule. Plus la voiture est petite, plus c’est difficile. Pour notre ID.2all, le but est de rester en dessous de 25 000 euros. Réaliser une marge suffisante, même avec de petits véhicules, c’est un peu la Ligue des champions. Mais cela reste notre ambition.

L’ID.2…
… le nom n’est pas encore fixé, mais appelez-la ainsi!

...ne devrait arriver qu’en 2025. N’est-ce pas trop tard? La concurrence, Stellantis en tête, est déjà sur le marché (avec la Citroën ë-C3). Et Elon Musk a également annoncé une Tesla à moins de 25 000 euros.
Il y a une différence entre l’annonce et la date de commercialisation. Nous prenons le temps qu’il faut pour nous assurer que même une petite voiture électrique remplira à 100 % les promesses de la marque VW en matière de design, de qualité et d’innovations. Pour le reste, il s’agit de définir correctement les priorités. Nous sommes dans une phase de transition difficile et devons investir en parallèle dans les véhicules électriques et thermiques, les logiciels, les usines de batteries, la conduite autonome. Nous travaillons à ce que le budget et les deadlines de cette petite voiture soient finalisés et décidés dans les prochaines semaines.

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Thomas Schäfer, PDG de la marque Volkswagen Véhicules de tourisme, s’entretient avec la REVUE AUTOMOBILE.

Vous avez mentionné la batterie comme principal facteur de coût. Où en est-on en matière de coûts et y a-t-il suffisamment de capacités de production?
Les capacités ne sont pas le problème. Il y a suffisamment d’offre, surtout en provenance de Chine, avec des coûts par kWH d’environ 100 euros, en fonction bien sûr de la chimie des cellules. Les batteries au lithium-phosphate de fer sont moins chères que les accumulateurs au nickel-manganèse-cobalt. Une chose est claire: nous ne voulons pas dépendre de fournisseurs individuels et nous misons également, de manière différenciée selon les régions, sur nos propres usines de batteries, localisées en Allemagne, en Espagne et au Canada. Le Canada approvisionnera le marché américain, les deux autres usines suffiront pour le marché européen, dans un premier temps du moins. Une usine supplémentaire en Europe de l’Est est en discussion, mais aucune décision n’a été prise pour l’instant.

La concurrence chinoise ne se contente pas de proposer des batteries bon marché, elle s’impose également en Europe avec des véhicules. Les taxes de protection envisagées par l’UE sont-elles le moyen de rester compétitif?
Le protectionnisme est toujours néfaste. Nous misons sur le marché et le libre-échange. Bien entendu, les mêmes règles doivent s’appliquer à tous, mais le monde de l’automobile est international. Il est évident que les constructeurs chinois se ruent sur l’Europe: c’est le marché le plus rentable au monde. Toutefois, ils constateront que ce n’est pas non plus un marché facile, les spécifications techniques comme les règles de sécurité sont plus exigeantes qu’en Chine. À cela s’ajoutent des points tels que l’approvisionnement en pièces détachées, le service, les ateliers. De nombreux constructeurs chinois n’ont qu’un ou quelques modèles, voire une plateforme; chez VW, nous desservons le marché mondial avec un grand nombre de modèles aux exigences très diverses. Regardez la Golf 8: environ un million de variantes sont possibles. Nous savons que nous devons toutefois devenir plus efficients. C’est pourquoi, pour l’ID.7, nous avons réduit ce nombre à 70 grâce à des pack d’options. Nous réduisons ainsi la complexité et obtenons des effets de coûts que nous pouvons répercuter sur le client.

Dernière question: les automobilistes suisses ont un faible pour les sportives, quand pourront-ils conduire une électrique badgée GTI?
Ce véhicule est décidé, il arrivera six mois après la version de série de l’ID.2all. C’est une voiture grandiose qui transpose les gènes GTI dans le monde électrique. Lorsque nous avons dit à l’équipe de faire une GTI électrique, chacune et chacun ont travaillé quasiment jour et nuit. Le résultat est plus que convaincant! Je me réjouis... 

Biographie

Thomas Schäfer (53), est membre du directoire du groupe Volkswagen depuis juillet 2022, PDG de Volkswagen Véhicules de tourisme et responsable du groupe de marques Core. Cet Allemand a fait des études d’ingénierie mécanique, qu’il a terminées par un diplôme d’ingénieur. Après avoir occupé différents postes chez Daimler AG, il a rejoint le groupe Volkswagen en 2012. Il a notamment été «Managing Director» de Volkswagen Group South Africa, puis est devenu président du directoire de Skoda Auto en République tchèque en 2020, où il a fait avancer l’électrification de la gamme. Début 2022, il a été nommé au siège du groupe, à Wolfsburg (D).

Photos: Volkswagen

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