E-Bike-City – L’EPFZ veut expulser les voitures des villes

Philipp Gut | 13.12.2023

E-Bike-City Neuf départements de l’EPFZ travaillent sur le projet phare E-Bike-City. Les automobilistes risquent de se retrouver sur une voie de garage.

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Vision d’une ville pour les vélos électriques: l’EPFZ a l’intention de «faire de la ville un endroit plus sûr et plus silencieux.»

C’est à lire comme une promesse en matière de circulation, mais on pourrait tout aussi bien y voir une menace, voire une déclaration de guerre aux automobilistes: «Une ville avec une majorité de rues à sens unique et laissant la priorité aux vélos». C’est ainsi que le «Tages-Anzeiger» a titré un article sur «l’avenir de la circulation à Zurich». Et d’ajouter: «Pour les cyclistes, ces plans sont une délivrance, pour les automobilistes, un choc». De quoi s’agit-il? À première vue, on dirait le programme du parti des Verts, mais c’est en fait un projet de recherche à grande échelle préparé par l’École polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ). Le projet se nomme «E-Bike-City» et a pour intention de réaménager le réseau routier zurichois «dans une perspective cycliste» (citation du «Tages-Anzeiger»).

L’EPFZ décrit la problématique de la manière suivante: «À quoi devraient ressembler les rues de Zurich pour que davantage de vélos électriques y circulent et moins de voitures». Il s’agit de la «vision de ce à quoi les villes pourraient ressembler si elles mettaient la moitié de leur espace routier à la disposition des piétons, des cyclistes et des vélos électriques», comme l’écrit l’EPFZ (on peut se demander si les obstacles linguistiques doivent être considérés comme des signes avant-coureurs des futurs obstacles à la circulation). Pas moins de neuf chaires de cette Haute École de Zurich et de Lausanne sont impliquées dans le projet «E-Bike-City», qui a été qualifié de «projet phare». Voilà qui en dit long sur la destination des ressources en matière de recherches académiques.

En lien avec le débat sur le climat

De manière générale, la recherche sur l’environnement, en particulier lorsqu’elle a un lien avec le débat omniprésent sur le climat, a la cote. C’est également le cas ici, comme l’explique le chef de projet Kay W. Axhausen: «Compte tenu du réchauffement climatique, nous ne pouvons pas continuer à planifier les transports comme nous l’avons fait jusqu’à présent», déclare-t-il, cité sur le site Internet de l’EPFZ. «Nous avons besoin de nouvelles idées en matière de politique des transports pour les villes.» L’E-Bike City est «aussi un modèle utile pour que les transports parviennent à faire baisser leurs émissions de gaz à effet de serre».

L’utopie – ou la dystopie, selon la perspective – en matière de transports devrait démontrer que le vélo et le vélo électrique pourraient servir de «moyen de transport standard» dans la ville. «Notre vision est que la ville devienne plus confortable, plus silencieuse, plus verte et plus saine qu’aujourd’hui.»

Moins de routes pour les voitures

Le projet travaille à une dissociation totale des modes de transport. Contrairement à aujourd’hui, «les voies de circulation pour les voitures, les transports publics (tramways, bus), les deux-roues (vélos, vélos électriques) et les trottoirs pour les piétons seraient fondamentalement séparés les uns des autres dans l’‹E-Bike City›». L’espace routier serait donc réaménagé, au détriment des automobilistes.Un autre point qui pourrait faire polémique: dans l’E-Bike-City, le réseau routier pour les voitures se composerait «en grande partie de rues à sens unique et à une seule voie.» Le volume pour le trafic individuel motorisé serait donc drastiquement réduit.

Les voies de circulation pour les vélos et les vélos électriques se trouvent «en règle générale à gauche et à droite de la rue à sens unique», explique l’EPFZ. L’objectif est de créer «plus d’espace pour les gens plutôt que pour les voitures.» Ce discours semble oublier que les voitures transportent des personnes, des personnes qui ont choisi de leur plein gré l’automobile comme moyen de locomotion! Les planificateurs des transports de l’EPFZ ne se contentent pas de vouloir réduire de moitié l’espace routier pour les voitures, ils travaillent déjà à une réduction encore plus importante. Ils décrivent ainsi la dernière étape de leur concept: «Plus les citadins seront nombreux à opter pour une vie sans voiture, plus les places de stationnement pourront être progressivement transformées en parkings à vélos, espaces verts, aires de jeux.» Une offre suffisante de zones de chargement et de places de stationnement de courte durée devrait assurer «l’accès des véhicules d’urgence, de livraison et de transport». Le trafic automobile privé serait donc condamné à disparaître.

Selon l’ingénieur en transports Kay Axhausen, responsable du projet, «E-Bike City est plus proche que jamais des préoccupations politiques.» C’est limpide, les chercheurs s’impliquent désormais activement dans les débats sur la politique des transports.

Riposte des associations de transport

Qu’en pensent les associations de transport et d’automobilistes établies? Thierry Burkart, président de l’Association suisse des transports routiers (ASTAG), relativise: «Tous les modes et moyens de transport sont nécessaires pour relever les défis de la mobilité d’aujourd’hui et de demain.» Selon lui, une «pensée concurrentielle motivée par l’idéologie» ne fait que créer de nouveaux problèmes. Mais qui entretient cet esprit de concurrence?

Les défenseurs de l’E-Bike City affirment qu’ils veulent repousser la voiture. Thierry Burkart leur répond ceci: «Un réseau routier performant, qui reste ouvert au secteur des transports, est une condition impérative pour que l’approvisionnement et l’élimination des déchets fonctionnent dans notre pays.» Burkhart considère comme «extrêmement problématiques» les «concepts et plans sectoriels élaborés par l’administration en tant que bases soi-disant contraignantes pour les autorités.» Les parlements devraient «d’urgence exiger davantage de droit de regard ou d’approbation.» Le Touring Club Suisse (TCS) émet également des critiques: «L’approche idéologique de cette étude n’est ni réaliste, ni pertinente», déclare le président central Peter Goetschi.

Au lieu d’opposer les moyens de transport les uns aux autres, il faudrait exploiter leur complémentarité et les points forts des différents modes en fonction de la situation. Selon lui, il est indéniable que le vélo joue un rôle important dans les villes pour les courtes et moyennes distances et qu’il peut être de plus en plus utilisé, notamment pour les trajets pendulaires. «Mais même en ville, le vélo ne peut pas répondre à tous les besoins ». Les villes doivent rester accessibles aux automobilistes! Thomas Hurter, président de l’Automobile Club de Suisse (ACS) n’est pas non plus très favorable aux idées de l’EPFZ. Malheureusement, «c’est de plus en plus la politique urbaine qui nous dit ce qui doit être bon.» Chacun devrait pouvoir décider librement de la mobilité qu’il souhaite utiliser. Mais alors comment contrer ces aménagements urbains de plus en plus hostiles à la voiture? Hurter répond: «Avoir le courage de résister!»

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Réduire de moitié l’espace routier pour les voitures: cette maquette résume le projet «E-Bike-City» de l’EPFZ.

«Ce projet n’est pas une déclaration de guerre»

«Compte tenu du réchauffement climatique, nous ne pouvons pas continuer à planifier les transports comme nous l’avons fait jusqu’à présent», explique le professeur Kay W. Axhausen. Il est le chef du projet de recherche E-Bike-City de l’École polytechnique fédérale de Zurich, qui compte réorganiser le réseau routier de cette ville.

REVUE AUTOMOBILE: Avec le projet E-Bike-City, vous déclarez la guerre aux automobilistes. Les voies de circulation et les places de stationnement doivent être réduites de manière drastique, n’est-ce pas?

Kay Axhausen: Non, je ne déclare pas la guerre aux propriétaires de voitures. Dans ce projet, nous nous demandons ce que la Suisse peut faire pour respecter ses engagements climatiques dans le secteur des transports si les plans actuels échouent. Nous avons besoin d’un plan B, ou mieux, de plusieurs plans B, afin de pouvoir changer de cap à temps. Dans ce scénario-test, la mobilité douce obtient une large place afin d’en faire une alternative sérieuse. Un développement timide de différentes solutions ne suffira pas.

La voiture a-t-elle encore sa place dans votre vision de l’avenir des transports?

Oui, l’idée est que chaque lieu soit accessible en voiture, notamment les véhicules d’urgence, les camionnettes, les taxis, la police, les artisans, mais aussi les véhicules des habitants.

Ne négligez-vous pas l’aspect économique de l’automobilité?

Le système de transport produit de «l’accessibilité» et permet à chacun de participer à la vie sociale. La mobilité individuelle y apporte sa contribution. Nous testerons et rendrons compte dans les modélisations de la manière dont cette accessibilité évolue pour toutes les personnes, en tenant compte bien sûr des changements d’arrêts de trafic attendus.

Si vous vous souciez du climat, vous pourriez aussi planifier l’utilisation de voitures électriques. Mais pourquoi optez-vous plutôt pour les vélos?

La voiture électrique apportera une contribution importante, mais en l’état actuel des connaissances, cette contribution sera trop faible et arrivera trop tard pour atteindre les objectifs climatiques. Les vélos électriques sont une très bonne alternative en ville et probablement aussi dans les parties denses de l’agglomération zurichoise.

Vous cherchez explicitement le contact avec le monde politique. Dans quelle mesure votre recherche est-elle indépendante?

Nous voulons faire connaître nos idées, et c’est pourquoi ces contacts sont essentiels. Nous lançons le débat afin de ne pas prendre de décisions dans la panique, dans 10 ou 15 ans. Les financiers du projet n’ont pas d’influence sur nos chercheurs ou sur l’idée de la recherche.

Interview: Philipp Gut

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Le professeur Kay W. Axhausen dirige le projet universitaire «E-Bike-City», à Zurich.

Photos: D-Baug, ETH Zürich/Mattership

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