C40-City – Villes vs. voitures: la guerre est déclarée

Philipp Gut | 07.12.2023

Villes vertes Partout dans le monde, de plus en plus de villes militent contre la mobilité motorisée. Et ce avec le soutien de fondations internationales 
et des gouvernements nationaux.

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Un jour, peut-être, les piétons et les cyclistes seront les seuls à pouvoir circuler dans les villes.

La voiture est devenue le bouc émissaire de certaines catégories sociales. Cela a débuté dans les années 1970 et 1980 et s’est accentué récemment, dans le sillage du mouvement pour le climat. Ainsi, l’hostilité envers elle se fait toujours plus importante. Les villes vertes et de gauche, en particulier, regorgent d’initiatives dans ce sens. Sous le titre «Centres sans voitures: à quoi les villes pourraient ressembler à l’avenir», une radio bavaroise («Rundfunk») a fait un compte-rendu très empathique d’une conférence internationale qui s’était tenue à Lindau, sur le côté allemand du lac de Constance. Particularité de l’événement: absolument «tout le monde» pouvait y participer, pas seulement les scientifiques, les politiques ou les représentants de l’économie. Il s’agissait «d’emmener les gens avec nous», comme le souhaitait l’une des organisatrices. De son côté, le «Süddeutsche Zeitung» pose la question: «Rendre les villes sans voitures, un geste radical?» et fournit lui-même la réponse: «Non». Pendant ce temps, le «Spiegel» affirme que le «péage urbain» et les centres-villes sans voitures ont d’abord été «détestés», mais sont désormais «adorés».

Certaines villes – et la tendance est à la hausse – mènent une véritable guerre contre la voiture. Elle n’est pas traitée comme un mode de transport central, qui contribue de manière déterminante à la libre mobilité et à notre prospérité, mais comme la cause de nombreux maux, un corps étranger malveillant dans la zone de confort urbaine. Les exemples d’initiatives anti-voitures sont nombreux, nous en analysons quelques-uns dans cet article, sans prétendre à l’exhaustivité.

En ville en 15 minutes

C’est sous ce titre que circule un concept d’urbanisme qui fait de plus en plus d’adeptes. «Dans une ville accessible en 15 minutes, les voitures ne sont plus nécessaires: tout ce dont vous avez besoin peut y être atteint facilement», écrit Utopia.de. Une «grande partie du trafic motorisé deviendrait ainsi superflue», complète la plateforme. L’un des inventeurs de ce concept se nomme Carlos Morena, un scientifique franco-colombien qui enseigne à la Sorbonne, à Paris (F). La maire de Paris, Anne Hidalgo, a popularisé cette idée lors de sa campagne de réélection en 2020. En Suisse aussi, des efforts ont été faits dans ce sens. Dans une interview accordée à un journal bernois, Monika Litscher a présenté la ville accessible en 15 minutes comme un «modèle» de ce que signifie «être mobile» aujourd’hui. Monika Litscher n’est pas n’importe qui, elle est vice-présidente de l’Union des villes suisses. Ethnologue, spécialiste du droit international et des sciences culturelles, elle a travaillé auparavant pour l’Association des piétons «Mobilité piétonne suisse». Rien d’étonnant donc à ce qu’elle s’en prenne à la voiture au nom de l’Union des villes! Son avis? Il n’y a plus guère de place pour la voiture en ville, elle détruit même «dans le pire des cas, les bases de la vie». La taille des voitures est également problématique et Monika Litscher aimerait rendre l’accès aux centres-villes plus difficile pour les véhicules imposants «ou ceux qui présentent un mauvais bilan écologique». Les places de parking doivent aussi être limitées.

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Berne et son horloge sont accessibles en 15 minutes en TC.

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Paris (Tour Eiffel) fait partie des villes du C40.

Les villes du C40

Un «réseau mondial de près de 100 maires des principales villes du monde qui agissent ensemble contre la crise climatique» est en train de voir le jour. En Europe, il s’agit par exemple de Milan, Heidelberg, Amsterdam ou Londres. Les villes suisses ne font pas encore partie de ce réseau. Les dirigeants des villes participantes «s’engagent à adopter une approche inclusive, scientifique et collaborative pour réduire de moitié leur part d’émissions d’ici 2030, afin de participer à l’effort collectif pour limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C et construire des communautés saines, équitables et résilientes».

Les représentants des villes du C40 sont également parties prenantes à la Conférence des Nations unies sur le climat COP28, qui se tient actuellement à Dubaï. Ils veulent faire pression sur les gouvernements pour que ceux-ci durcissent encore le régime climatique. Le projet est financé par de grandes fondations internationales telles que «Bloomberg Philanthropies», «Children’s Investment Fund Foundation», «Open Society Foundations», ainsi que par des pays comme l’Allemagne, la Grande-Bretagne et le Danemark. Reste à savoir ce qu’il en est de la légitimité démocratique des maires qui «s’engagent» à prendre des mesures radicales pour le climat. À lire les déclarations du C40, on croirait entendre une ONG de la gauche verte ou un parti d’inspiration socialiste. Exemple: «Il n’y a pas de justice climatique sans justice sociale». De manière utopique, il est question de «sociétés prospères offrant des opportunités à ceux qui ont été laissés pour compte auparavant.» Les villes du C40 se solidarisent explicitement avec la gauche radicale et son cri de ralliement anticapitaliste «System Change, Not Climate Change». Elles se prononcent en faveur d’un «New Deal vert global» qui offre l’opportunité de «s’attaquer à la crise climatique et à la crise des inégalités et de faire en sorte que tout le monde puisse aller bien partout.»

Les villes du C40 sont moins solidaires avec les automobilistes: «Nous imaginons un avenir dans lequel la majorité des habitants de nos villes se déplacent à pied, à vélo et en transports publics.» Selon les «engagements pris» par les villes participantes, la voiture doit disparaître en grande partie du paysage urbain, les rues doivent devenir «vertes» et «saines», sans autre explication.

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Londres (Big Ben) fait partie des villes du C40.

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Rio de Janeiro (Christ Rédempteur) fait partie des villes du C40.


German Zero

C’est derrière ce label que se cachent les activistes radicaux du climat qui souhaitent un «tournant dans les transports». Ils militent pour une «politique de démotorisation» dans des villes comme Hambourg. Selon eux, les deux tiers des voitures devraient disparaître. L’espace «occupé par les voitures» devrait être récupéré pour «les personnes de tout âge», «pour le séjour, la communication, le jeu et d’autres activités», ainsi que pour la «nature en ville».

Autres projets

Des villes comme Vienne ou Graz veulent bannir la voiture des centres de leur propre initiative. La maire de Graz a déclaré ainsi qu’elle estimait que «personne n’avait besoin de prendre sa voiture pour se rendre au centre-ville». En Suisse, c’est Lausanne qui prend les devants. Elle veut une «mobilité climatiquement neutre» d’ici 2030 et interdire les voitures à combustion. Le WWF l’a placée en première position des villes suisses les plus respectueuses du climat. Les organisations environnementales savent qu’elles ont des appuis forts dans les villes en général, même si toutes les propositions extrêmes ne passent pas. Le 26 novembre, la population de Bâle-Ville a rejeté les initiatives «Pour un climat sain» et «Pour une mobilité durable». Elles demandaient qu’au cours des dix prochaines années, 0,5 % de la surface des rues soit transformée chaque année en espaces verts et que 0,5 % de l’espace routier soit réaffecté aux piétons, aux cyclistes et aux transports publics. Cela aurait représenté une surface d’environ 480 000 m2. À Hochdorf (LU), les électeurs ont également rejeté deux initiatives climatiques extrêmes.

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Hambourg (avec son célèbre port) compte elle aussi des activistes «German Zero».

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Lausanne est une ville qui combat les voitures.

Photos: Adobe Stock

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