Interview: Jean-Claude Schertenleib | 11.01.2024
WEC À 24 ans, le Jurassien Grégoire Saucy quitte à son tour la pyramide de la monoplace pour une discipline, l’endurance, en pleine renaissance. Il nous explique pourquoi.
Un de plus, et ce n’est certainement pas le dernier: le Jurassien Grégoire Saucy, après avoir passé tous les échelons qui mènent du karting au Championnat FIA de Formule 3, prend un virage décisif. En 2024, il participera au Championnat du Monde d’Endurance (WEC) comme pilote McLaren en LMGT3 et mènera parallèlement une première expérience en LMP2, dans le cadre des European Le Mans Series.
REVUE AUTOMOBILE: Grégoire, c’est un tournant important dans votre carrière. Le rêve de la F1 est oublié?
Grégoire Saucy: La monoplace, c’est top pour apprendre. En théorie, la Formule Renault, la F3, puis la F2, c’est le chemin pour rêver un jour du Graal, la Formule 1. J’ai réalisé de belles choses en Formule Renault, puis en F3, mais il arrive un moment où les obstacles deviennent trop importants.
Obstacles financiers, techniques, politiques?
Regardez les derniers vainqueurs de la F2: si Oscar Piastri a
sa place en F1, Mick Schumacher (champion en 2020) n’y a fait qu’un passage,
Nick De Vries (2019) n’a disputé que 11 GP, Felipe Drugovich (2022) est pilote
d’essai pour Aston Martin et le champion 2023, Théo Pourchaire, va rouler cette
année au Japon. Ce que je veux dire par là, c’est que même si tu gagnes dans
les formules intermédiaires, tu n’es pas sûr du tout de décrocher un volant en
F1. Et tes chances sont encore moindres si tu ne peux pas amener avec toi
beaucoup d’argent. Mais attention: la F1 reste le rêve de chaque pilote!
Et l’endurance, que vous allez découvrir?
Arrive un moment, dans une carrière, où il faut penser à son
avenir. Et pas seulement à court terme. Mon but a toujours été de devenir pilote
professionnel, ce qui veut aussi dire être payé, plutôt que de devoir payer.
J’ai reçu une formidable opportunité pour le WEC, avec la nouvelle McLaren 720S
GT3 Evo.
Cela signifie aussi que vous allez découvrir une épreuve
mythique, les 24 Heures du Mans?
Oui. Et vous pouvez poser la question à ma famille, cela fait
très longtemps que je parle de cette course, que je la suis, qu’elle m’attire.
Savoir que je vais participer au Mans me comble de plaisir, autant que si on
m’avait proposé de faire quelques tours dans une F1. Pour le grand public, les
24 Heures, ça parle.
Vous n’êtes pas le premier, ni le dernier à faire ce chemin, à
l’image du Genevois Louis Delétraz. Ce sont des exemples à suivre?
Le phénomène est désormais réel. Plusieurs pilotes que je
connaissais en monoplace se sont dirigés vers l’endurance et ils s’en sortent
très bien. C’est donc très motivant. Et puis, grâce à mon partenaire Richard
Mille, très engagé dans cette discipline, j’ai la chance d’avoir des gens
autour de moi qui sont d’excellents conseillers.
Parallèlement au Championnat du Monde, dans lequel les LMP2 ne
sont plus admises – il y en aura en principe 18 au départ des 24 Heures du Mans
–, vous avez un second programme en 2024, les European Le Mans Series,
justement dans cette catégorie LMP2?
Oui, et c’est une autre immense opportunité, puisque l’on sait
qu’il y a toujours plus de constructeurs qui viennent en hypercars, qu’ils ont
donc besoin de pilotes et qu’ils regardent attentivement ce qui se passe à
l’échelon inférieur, soit le LMP2. Si j’arrive à faire ce qu’on attend de moi,
il sera peut-être possible de déclencher l’intérêt d’une usine engagée en
hypercar.
Vous vous attendez à quoi?
J’ai pu découvrir une LMP2 sur le circuit Paul Ricard, au
Castellet (F). Le pilotage est finalement assez proche de celui d’une monoplace
même si, dans les virages très serrés, comme une épingle, c’est un peu plus lent,
parce que la voiture est plus lourde. Mais je me réjouis de ce double
programme, ce d’autant plus que plusieurs spécialistes affirment que le
pilotage d’une hypercar, c’est un peu un mélange de LMP2 et de GT. Si c’est
vrai...
Mais avant de rêver à l’hypercar, vous allez devoir commencer
par affronter un certain Valentino Rossi…
Les 24 Heures et Rossi, c’est vrai que c’est quelque chose
d’exceptionnel. Bon, pour tout vous dire, je suis personnellement plutôt
génération Marc Márquez, quand on parle de MotoGP. Mais le fait qu’une
personnalité comme Valentino soit en WEC va faire énormément parler de notre
championnat. Et tout le monde va en profiter.
PHotos: F3 Regional, Imsa