SimRacing En sport automobile, le monde virtuel s’est beaucoup rapproché du réel. La Revue Automobile vous emmène dans un voyage dans le temps, des débuts à la professionnalisation.
Course virtuelle: «grille» de pilotes, installés dans des simulateurs, à Auto Zürich.
Le «sim racing», la compétition en simulateur de
course, est en plein boom. De nombreuses courses et championnats réels
ayant été annulés lors de la pandémie, de nombreux pilotes ont pris la
décision de concourir de manière virtuelle. Depuis lors, le sim racing
n’a cessé de prendre de l’importance. Parmi les amateurs de ce nouveau
sport, Wani Finkbohner est un adepte de la première heure: le fondateur
de la «Racingfuel Academy», à Horgen (ZH), connaît le milieu comme
personne, lui qui a construit son premier «simulateur» en 2007. Depuis,
ce sont plus de 300 exemplaires de ces étonnantes machines qui ont été
produites et dessinées à la main avec son équipe. Lorsqu’il repense à
ses débuts, il ne peut s’empêcher de sourire: «Mon frère pensait que mes
idées étaient folles. Il m’avait dit: ‹Jamais tu ne parviendras à vivre
de cela!›»
Il a fallu relativement longtemps pour que les premiers
simulateurs soient utilisés en sport automobile, alors que dans le
domaine de l’aviation, ils ont été expérimentés à des fins de formation
il y a près de 100 ans déjà. En 1930, l’inventeur américain Edwin Albert
Link avait ainsi développé le premier simulateur de vol entièrement
mobile. En 1948, Boeing avait suivi, avec un modèle encore plus
réaliste. Les simulateurs ont également été utilisés très tôt dans le
domaine spatial.
Jouer debout
Ce n’est qu’avec la naissance de l’industrie du jeu
vidéo que ces simulateurs sont devenus accessibles au grand public. Le
terme «simulateur» est toutefois un peu exagéré: les premiers appareils
sur lesquels on pouvait jouer disposaient d’écrans à tube cathodique et
ressemblaient, par leur forme et leur taille, à des flippers. En juillet
1974, la société américaine Atari présentait ainsi sa première machine
de jeux de course vidéo: «Gran Trak 10», enregistré sur un CD-ROM. Les
machines sur lesquelles on pouvait jouer disposaient d’un volant, d’un
accélérateur, d’un frein et d’un changement de vitesses, les images
étaient réalisées en noir et blanc, avec une vue depuis le dessus de la
piste, en 2D. Des lignes pointillées servaient à délimiter le circuit.
Le joueur n’avait pas le droit de toucher ces limites et devait, en
outre, se méfier de taches d’huile qui pouvaient se trouver sur la
route. Précision concernant le niveau de raffinement d’alors: le
conducteur devait rester debout pendant qu’il jouait…
D’hier à aujourd’hui: un simulateur d’origine, avec tout de même la possibilité de s’asseoir.
«Gran Trak 10», le jeu de course auquel on jouait debout.
Deux ans plus tard seulement, Atari présentait son
premier jeu de course vidéo en 3D. Le joueur devait alors réagir aux
virages qui se présentaient à lui, comme dans la circulation routière
réelle. En 1982, Namco lançait «Pole-Position», un jeu que l’on pouvait
utiliser à la maison, notamment sur le légendaire ordinateur Commodore
C64. «Pole-Position» a contribué de manière décisive à la diffusion
rapide des jeux de course automobile et ce n’est pas pour rien s’il
avait été désigné «Jeu vidéo de l’année» en 1983. Les plus anciens se
souviennent peut-être encore de sa caractéristique distinctive: avant
chaque course, une voix féminine vous soufflait à l’oreille: «Prepare to
Qualify!»
Direct Drive et balayage laser
Dans les années suivantes, l’évolution rapide des
ordinateurs domestiques et de leurs logiciels ont rendu les jeux de plus
en plus réalistes. Des processeurs plus rapides, de meilleures cartes
graphiques, des volants en lieu et place des joysticks et un flot de
«data» sur les véhicules ont permis de rapprocher le virtuel du réel.
Selon Martin Bochsler, co-fondateur de la «Racingfuel
Academy» et responsable du secteur «Motion Systems & Automation», un
pas de géant dans ce processus de rapprochement avec la «vraie course» a
été franchi en 2010, et ce grâce au «direct drive», que Martin Bochsler
détaille: «Grâce aux servomoteurs installés dans les volants, le retour
d’informations dont profite l’utilisateur est devenu bien meilleur.
Jusque-là, les volants étaient équipés d’un simple système
d’entraînement électrique et n’étaient de loin pas aussi réalistes.»
Graphismes: de 1982 et 1990, jusqu’à aujourd’hui.
Graphismes: de 1982 et 1990, jusqu’à aujourd’hui.
Graphismes: de 1982 et 1990, jusqu’à aujourd’hui.
Les spécialistes de la simulation ont réussi un second
saut «quantique» en adoptant de nouvelles méthodes pour reproduire les
circuits, et ce grâce au «laser scan». Depuis que les circuits sont
mesurés au millimètre à l’aide de lasers, ils sont de plus en plus
précis: «Même les petites irrégularités du sol, telles qu’on les trouve
dans la réalité, peuvent ainsi être représentées», explique encore Wani
Finkbohner.
Le «Züriring», l’un des douze centres de sim racing en
Suisse, a récemment fourni un exemple de reproduction exacte. Le
propriétaire, Tom Mächler, un passionné de courses automobiles
historiques a fait construire, à sa propre initiative, un véritable
circuit de Grand Prix zurichois. Certes, le décor scanné par Mächler ne
correspond pas au GP qui avait été programmé sur les bords de la Limmat
en 1939 (et qui n’a jamais eu lieu), mais cela n’enlève rien à l’intérêt
de son projet. Bien au contraire: Mächler a mis sur pied un GP de
Zurich virtuel, dont le parcours ressemble à une visite touristique de
la ville. Pour pouvoir réaliser ce projet complexe, la cité a été
mesurée au centimètre près. Après avoir réalisé un «scan laser» composé
de plus de 160 millions de points enregistrés et d’environ 5000 photos
de 450 bâtiments différents, il a été capable de reproduire un modèle de
circuit en 3D. Cela lui a pris des mois de travail sur ordinateur avant
que le tout ne puisse être intégré dans le logiciel de simulation de
course le plus répandu aujourd’hui: «Assetto Corsa».
Un sujet pour Hollywood
Les simulateurs remplaceront-ils bientôt le véritable
sport automobile? Les sensations pourront-elles un jour être reproduites
à 100 %? Selon, Wani Finkbohner on en est encore très très loin. Et de
toute manière, ce n’est pas là l’objectif recherché. Finkbohner voit
plutôt dans ses fabrications un outil capable de reproduire le plus
fidèlement possible la réalité: «Quiconque a déjà pris place dans une
vraie voiture de course sait qu’il existe des paramètres qu’il est tout
bonnement impossible de reproduire dans le monde virtuel», explique
Finkbohner. Il pense en premier lieu à l’accélération transversale, qui
agit lors de la «vraie» conduite. «Grâce aux tendeurs de ceinture, nous
avons certes la possibilité de donner au conducteur la sensation que des
forces apparaissent lors du freinage, mais celles-ci ne sont pas
ressenties de la même manière que dans la réalité. Pour obtenir un tel
effet, il faudrait que le simulateur soit installé sur des rails et
fasse des allers-retours dans une grande pièce. Cela existe, mais c’est
très coûteux, d’autant que cela nécessite une technologie qui permette
ensuite à l’image de se déplacer devant le pilote. Et à la fin, on
n’obtiendra pas non plus le même effet qu’avec la course réelle»,
dit-il.
Les simulateurs offrent aujourd’hui un plaisir de conduite extrême et d’excellents graphismes. Néanmoins, la peur de se crasher, comme dans la réalité, jamais un simulateur ne la génèrera.
Les simulateurs offrent aujourd’hui un plaisir de conduite extrême et
d’excellents graphismes. Néanmoins, la peur de se crasher, comme dans
la réalité, jamais un simulateur ne la génèrera.
Ce qui ne peut pas et ne pourra jamais être simulé,
c’est la «peur» d’un départ. Ceux qui ont déjà pris place dans un
simulateur savent que l’avantage de cet exercice… c’est qu’on ne peut
rien casser! Si l’on atterrit dans un mur ou dans un bac à gravier, il
suffit d’appuyer sur le bouton de réinitialisation et c’est reparti.
Même avec des lunettes de réalité virtuelle, cette peur ne peut être
simulée de manière convaincante. Néanmoins, «avec de telles lunettes, on
se rapproche de plus en plus de la réalité. Et j’ai déjà vécu un moment
de panique en les utilisant. Mais au final, tout cela n’est
qu’illusion», explique le pilote Yannick Mettler, qui s’entraîne
régulièrement chez Finkbohner, à Horgen.
Le secret? Le «balayage laser»
Finkbohner n’est pas le seul à avoir fait de cette
illusion un business. En 2008, Nissan a été le premier constructeur
automobile à reconnaître le potentiel du sim racing en organisant une
compétition. Le vainqueur de la «GT Academy» virtuelle décrochait alors
un «vrai» volant de voiture de course. Le gagnant le plus connu de ce
programme n’est autre que Jann Mardenborough: ce Britannique, qui avait
remporté la GT Academy en 2011, est parvenu à monter sur le podium au
Mans en 2013. Son parcours, de «sim racer» à «real racer», a même fait
l’objet d’un film en 2023, «Gran Turismo», du nom de l’un des plus
célèbres jeux vidéo de simulation.
Lotus précurseur
Le fondateur de Lotus, Colin Chapman, était un génie
de la course et a toujours été en avance sur son temps. Cela ne valait
pas seulement pour ses voitures, mais aussi dans le domaine qui nous
intéresse ici: il a fait construire un simulateur au début des années
soixante! Une Lotus 31, soit un châssis de Formule Junior (aujourd’hui
F3), servait de support statique. Le système avait été conçu sur le
modèle d’un simulateur de vol. Le mécanisme de reproduction du circuit
se trouvait derrière un écran et projetait une image complète du tracé
et du paysage. Depuis le cockpit, le pilote obtenait ainsi une image de
ses «capacités de conduite». Avec une vitesse d’échelle allant jusqu’à 120 mph
(environ 190 km/h), l’ensemble des sensations de conduite, les
manœuvres, les changements de vitesse, les freinages et les
accélérations étaient contrôlés par le conducteur. Les erreurs ne
passaient pas inaperçues: celui qui perdait le contrôle «s’envolait» de
la piste! En même temps, un buzzer retentissait, informant
acoustiquement le conducteur de sa faute. CHE
Le sim racing en Suisse
La plupart des centres de sim racing en Suisse sont équipés de simulateurs de l’entreprise de Wani Finkbohner et de sa «Racingfuel Academy», à Horgen. On trouve un aperçu de l’offre en suivant ce lien: https://race-centers.com/#cent.... Quatre autres centres de l’agglomération de Zurich/Zoug font confiance aux produits de «Racing Unleashed», un fournisseur dont le siège est à Maranello (I). La «Racingfuel Academy» développe et construit non seulement des simulateurs de course mais elle en a aussi construit un pour hélicoptères, et ce pour le Musée des transports, à Lucerne. Actuellement, la quatrième génération de ce simulateur d’hélicoptère esttestée. Un simulateur de camion et un autre de véhicules réels, destinés à la recherche, ont également déjà quitté les ateliers de production de Horgen. Et à la clinique Lengg, l’un des centres de rééducation les plus connus du pays, se trouve également un simulateur utilisé pour diverses évaluations de la médecine du trafic. CHE
Photos: Archives Finkbohner, Christian Eichenberger