La technologie bientôt au volant?

Ramon Egger | 08.02.2024

Conduite autonome Une nouvelle loi pourrait ouvrir la voie, en Suisse, aux voitures autonomes. Mais le chemin risque encore d’être long pour un changement aux bénéfices peu évidents.

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En Californie, Mercedes signale ses voitures autopilotées par des lumières turquoises. En Suisse, nous sommes loin d’en être là.

Le gouvernement fédéral travaille sur une nouvelle législation relative à la conduite automatisée et autonome. La Confédération a mis en consultation une proposition à cet effet en octobre dernier, et les réactions des associations et des partis sont désormais disponibles. Cette nouvelle loi vise à réglementer deux points qui ne sont pas directement liés: la conduite automatisée de niveau 3 et le stationnement autonome, lorsqu’aucun conducteur ne se trouve dans la voiture. Pour davantage de clarté, un nouveau panneau de signalisation sera introduit pour indiquer la présence de voitures autopilotées (photo).

Des voitures autonomes circuleront-elles bientôt sur les routes suisses? Non. Le projet de loi lui-même ne le mentionne pas explicitement, mais le rapport stipule expressément que le conducteur ne doit pas être distrait, même si la voiture roule de manière autonome: «En raison de l’état technique des véhicules, il n’est pas encore possible de se détourner dans une large mesure de la circulation et d’effectuer des activités étrangères à la conduite qui impliquent de saisir des objets, comme par exemple écrire des messages sur un téléphone portable.» Il est également interdit de dormir ou de quitter son siège. Alors qu’est-ce qui est possible, légalement? Uniquement lâcher le volant. Le fait que la loi ne précise pas clairement ce qui n’est pas autorisé pendant la conduite suscite des critiques de la part de l’Association Transports et Environnement (ATE), connue pour son positionnement politique à gauche: il faudrait «exclure explicitement les activités telles que dormir, quitter son siège et les communications externes (vidéoconférences, appels téléphoniques, messages écrits) pendant la conduite.»

Conséquence sur les routes?

Mais l’ATE a une critique bien plus importante à formuler. Selon elle, la conduite automatisée doit dans tous les cas servir à réduire le trafic, renforcer les transports publics et permettre de réduire les infrastructures routières. En d’autres termes, la conduite automatisée ne doit pas rendre la conduite automobile plus attrayante. Et donc entraîner une augmentation du trafic routier.

Verkehrssignal autonomes fahren

Un nouveau panneau indiquera la présence de voitures autonomes.

L’UDC avance une argumentation similaire, mais en faveur de la nouvelle loi: selon le parti, l’automatisation peut en soi augmenter la capacité des routes en termes de trafic, mais les experts en doutent encore fortement, surtout en cas de trafic mixte (lorsque le trafic automatisé rencontre le trafic non automatisé). L’EPFZ, qui a déjà mené une étude approfondie sur ce sujet en 2020, examine l’utilisation efficace de l’infrastructure routière. La Haute Ecole prévoit une amélioration de la capacité de 5 à 10 % pour les voitures partiellement automatisées, mais non connectées. Pour les véhicules entièrement automatisés, qui communiquent entre eux et avec l’infrastructure, cela pourrait aller jusqu’à 30 % sur l’autoroute. En ville, ce chiffre ne devrait pas dépasser 10 à 20 %, car de nombreux carrefours entravent la fluidité du trafic. Mais pas de précipitation: ce ne sont que des prévisions à long terme. L’EPFZ constate qu’il faudra encore des décennies avant que l’automatisation n’ait un effet positif sur les routes suisses. En Allemagne, on estime qu’il faudra attendre 2060 pour que la capacité des autoroutes soit supérieure à ce qu’elle est aujourd’hui. Même si la proportion de véhicules automatisés reste faible, la capacité devrait diminuer dans un premier temps.

Du trafic en plus

Selon l’étude de l’EPFZ, il semble peu probable que l’automatisation réduise le nombre de routes, comme le demande l’ATE, pour une autre raison: «Avec la généralisation des véhicules entièrement automatisés, le nombre de kilomètres parcourus par les véhicules et les personnes augmentera probablement, car différents effets de la demande se superposent. En particulier, les trajets à vide peuvent entraîner à long terme une augmentation significative du nombre de kilomètres parcourus en raison de l’automatisation.»

Celle-ci réglemente exclusivement la conduite automatisée selon le niveau 3, comme le font déjà d’autres pays. Et comme Mercedes – le seul constructeur à ce jour – l’a déjà mise en œuvre en Allemagne. Le véhicule peut démarrer et s’arrêter tout seul, garder sa voie et en changer si nécessaire. Le véhicule peut aussi détecter les situations dangereuses qui dépassent les limites de son système et informer le conducteur qu’il doit reprendre la main. Mercedes appelle ce système «l’assistance embouteillage», car il ne peut être actif que sur les autoroutes jusqu’à une vitesse maximale de 60 km/h. Avec la nouvelle loi suisse, il devrait ensuite être possible de l’utiliser jusqu’à 130 km/h, donc également dans le trafic autoroutier normal.

Sur les voitures qui se parquent seules

En outre, la loi réglemente le stationnement entièrement automatique, lorsque le conducteur ne se trouve plus dans la voiture. Cela ne sera pas possible pour toutes les places de parking, qui devront être distinguées des places de parking normales et faire l’objet d’une autorisation spéciale. Les véhicules ne pourront circuler seuls qu’à l’intérieur du parking; les voitures sans conducteur à la recherche d’une place ne seront donc pas autorisées à circuler au même endroit.

Pour des raisons de sécurité, le constructeur doit également s’assurer que le système de stationnement automatique ne s’active que si le véhicule est vide. Indépendamment de cela, le gouvernement fédéral compte soutenir financièrement les projets de développement de systèmes autonomes. Tant la gauche que la droite critiquent ce point: l’ATE ne veut soutenir que des projets œuvrant pour l’environnement, l’UDC s’oppose totalement aux subventions publiques. 

La voiture autonome, une mobilité que l’on partagera?

Les experts ne s’accordent pas sur le nombre de voitures que la conduite entièrement autonome – à supposer qu’elle devienne un jour une réalité – entraînera sur nos routes. Au-delà des questions techniques (voir texte principal), deux points essentiels s’opposent sur la «mauvaise» utilisation des véhicules privés. Les voitures ne sont pas conduites 95 % du temps, elles prennent donc de la place sans être utilisées. Si les véhicules autonomes sont utilisés comme «robotaxis» partagés, ils peuvent être mieux exploités et nécessitent moins de places de stationnement. En revanche, l’augmentation du trafic est un sujet de préoccupation. Si l’on ne doit plus conduire soi-même, la voiture autonome peut concurrencer les transports publics. Comme pour un taxi normal ou un Uber, les trajets à vide deviennent alors indispensables. Le trafic augmente logiquement, car des voitures vides circulent également sur les routes. Dans tous les cas, la question centrale est la suivante: les Suisses sont-ils prêts à partager leur voiture avec de parfaits inconnus? Ou même à ne plus posséder de voiture et à n’utiliser que des véhicules «partagés»?

Une enquête de Deloitte menée l’année dernière en Suisse a révélé que dans dix ans déjà, les ventes de voitures privées auront baissé de 40 % par rapport à aujourd’hui. Cela est dû au fait que l’on utilise beaucoup plus le «ride hailing» (comme par exemple Uber) et le car sharing (c’est-à-dire Mobility). L’expérience actuelle montre toutefois que l’intérêt est encore modéré. Certes, de plus en plus de jeunes sont membres de prestataires de services comme Uber et Mobility. C’est également ce qu’a constaté Deloitte. Les chiffres actuels des immatriculations de voitures neuves ne montrent, malgré des creux intermédiaires, pas encore de tendance à la baisse. On peut donc supposer que ces services sont considérés comme un complément à la voiture personnelle, non comme un substitut. Ramon Egger


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Photos: Mercedes, OFROU, Bing (générée par IA)

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